
viennent faire briller la vraie lumière dans l’asile de la réprobation,
et donner l'exemple de l’espionnage à une population
édifiée, sans aucun doute, par une vertu qu’elle n’a pas le courage
d’imiter.
Détournons au plus vite les yeux d’un spectacle aussi attristant
pour des âmes fidèles, et reportons-les sur le quartier sud-
ouest, séjour des purs croyants, des irréprochables Wahabites.
Là demeurent les descendants du grand fondateur, les membres
de la famille d’Abdel-Wahab que n’a pas atteints le glaive de
l’Egypte, et qui se sont préservés de toute souillure étrangère.
Là s’élèvent des mosquées d’une simplicité austère, où chaque
jour on inculque aux vrais croyants : «qu’eux seuls sont dans la
droite voie, que les délices du Paradis leur appartiendront exclusivement.
» De petits oratoires ou Musallas, des fontaines
pour les ablutions, des niches tournées du côté de la Kaaba remplissent
l’intervalle compris entre chaque maison; dans les
rues, circule un air pur, bienfait visible qui est le symbole de
l’invisible bénédiction d’Allah. Ne pensez pas, cher lecteur, que
ces paroles soient une ironie; j ’emploie mot pour mot, les expressions
que répètent sans cesse les Nedjéens quand ils décrivent
le quartier modèle de la cité modèle. Cette partie de la
ville est la vraie citadelle de l’intolérance religieuse et nationale
; on y rencontre un pieux orgueil, un mahométisme irréprochable,
et en même temps, comme on peut l’attendre de gens
qui voient dans l’orthodoxie la seule vertu, dans l’hétérodoxie
le seul crime qu’il y ait au monde, un grand fond de licence, et
de vices cachés.
Enfin au sud-est se trouve le Khazik dont les maisons mal bâties
et mal tenues sont habitées par les classes pauvres de Riad.
L’air y est malsain, et l’amas de la population en augmente encore
l’insalubrité ; aussi le choléra y exerça-t-il en 1854 de terribles
ravages.
De larges rues séparent seules les uns des autres les différents
quartiers; chacun cependant forme un arrondissement
distinct, et reçoit une dénomination particulière. Le nom de
Khazik, appliqué au quatrième signifie en arabe.« un lieu où la
foule empêche de respirer. » Je ne me rappelle plus comment
les Nedjéens appellent les trois autres. Riad renferme en général
fort peu de jardins, les maisons habitées par l’orthodoxie
wahabite en possèdent quelques-uns, mais presque tous les
bosquets ou vergers se trouvent hors des murs.
Le centre de Riad, le point où aboutissent ses principales
artères est la place du marché qui, d’un côté, fait face au palais
de Feysul, de l’autre, à la grande mosquée nommée Djamia
(c’est-à-dire « réunion »), parce que les adorateurs du vendredi
s’y assemblent pour entendre les prières officielles, un peu
écourtées ailleurs. Les villes du Nedjed n’ont jamais, selon les
anciennes traditions islamites, qu’une seule djamia ; les autres
édifices consacrés au culte sont appelés Mesdjids ou Musallas. La
grande mosquée de Riad est un vaste parallélogramme, dont la
toiture plate repose sur quatre piliers de bois revêtus d’une
couche de terre; ce bâtiment, fort bas, n’a aucune prétention à
la beauté architectonique, mais entre ses longues allées de
colonnes, quatre mille croyants au moins peuvent être réunis.
Pour mieux se rendre eompte des proportions du temple nedjéen,
il faut se souvenir que les Mahométans ont coutume, lorsqu’ils
s’assemblent pour prier, de laisser entre leurs rangs un espace
considérable, afin de pouvoir se prosterner la face contre terre
sans toucher de leur tête les talons des fidèles placés devant eux-
s’ils s’asseyaient ou se tenaient debout à la manière des chrétiens,
la djamia en contiendrait au moins le double. Une petite
plate-forme tient lieu du minaret proscrit par le wahabisme; au-
dessus du Mihrab, ou place réservée à l ’iman pendant l’office
religieux, se trouve une pièce dans laquelle Feysul se rend tous
les vendredis parla galerie couverte dont nous avons parlé; là,
invisible iman, il préside aux exercices de la pieuse réunion!
On ne voit dans la mosquée ni nattes, ni tapis, et cela, par une
raison bien simple, le Prophète et ses compagnons n’en ont ja mais
fait usage. En revanche, le sol est semé de cailloux fort
incommodes pour les mentons etlesgenoux des fidèles.
Je recommanderai encore une fois la description exacte et
précise de Lane à ceux de mes lecteurs qui ne se rendraient pas
bien compte du culte mahométan. Je ne puis pourtant me dispenser
de noter plusieurs différences légères que j ’ai remarquées
ici; légères, veux-je dire, aux yeux d’observateurs non
islamites, mais d’une extrême importance pour les « vrais
croyants; » ces diversités communiquent à la religion wahabite
une empreinte particulière; elles en sont devenues les caractères,
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