
exercée sur la mobilité arabe explique la grande expansion du
nom et de la langue himyarites dans le midi, et même leur introduction
au nord du désert syrien, sous la dynastie yémanite de
Ghassan. Aujourd’hui,encore il n’est aucun peuple avec lequel
les Arabes s’unissent par le mariage aussi facilement qu’avec les
Himyarites, tant les deux races ont de points de ressemblance.
Les historiens arabes, auxquels du reste les résultats des
recherches modernes ont donné raison sur cette question, attribuent
à la dynastie himyarite un rôle important dans l’histoire
de l’Arabie méridionale, et les études de Welsted sur
l’Hadramaut, ne permettent de conserver aucun doute à l’égard
du caractère himyarite de cette province. Que l’on ait essayé de
confondre, par une parenté imaginaire, l’origine des conquérants
ou au moins celle de leurs chefs avec celle de la race conquise,
c’est ce dont il n’y a pas lieu de s’étonner ; nous avons déjà vu
un exemple analogue dans la tentative faite pour rattacher à la
famille kahtanite les Ismaélites du nord. De même, la vanité
yémanite aura voulu se consoler de son assujettissement à une
domination étrangère en imaginant une alliance, une parenté
entre les vainqueurs et les vaincus. En outre, les Arabes de
l’Yémen avaient très-probablement aussi une origine africaine,
quoique plus ancienne encore; des alliances de famille ont donc
aisément dû produire une affinité partielle dont les chroniqueurs
mahométans se sont prévalus pour supposer l’homogénéité complète
de la race arabe. En admettant qu’Himyar ait existé,
il a pu, dans le but d’affermir sa puissance, épouser la fille de
quelque keyl ou roi yémanite. Supérieurs aux Arabes leurs voisins,
tant par les arts que par la science du gouvernement, les
Himyarites devinrent les maîtres d’une grande partie dé la Péninsule
et fondèrent un puissant royaume. La conquête de
l’Arabie méridionale accomplie au sixième siècle avec un plein
succès par les Éthiopiens, qui reconnaissaient pour chef Abrahah,
nous présente une tentative analogue ; le chef kahtanite Seyf-
Yézen ne put secouer le joug étranger avant que la Perse ne lui
eût fourni l’aide de ses armes et de ses trésors. Des annalistes
arabes se sont efforcés de découvrir un compatriote dans le vainqueur,
et de se soustraire à l’obligation désagréable de reconnaître
que des étrangers étaient plus forts ou plus civilisés
qu’eux-nlêmes, c’est là un fait parfaitement naturel. Ainsi de
nos jours, les Persans ont voulu voir dans Alexandre le Grand
un fils de ce même Darius qu’il défit à Arbèles ; le conquérant
macédonien, disent-ils, ayant été dans son bas âge « volé par
une mendiante, » revint à la tête d’une armée revendiquer ses
droits ; tout cela afin que les Persans n’eussent pas la honte
d’avoir été vaincus par des Grecs. Je sais en Occident des historiens
qui ne se sont pas toujours défendus de semblables faiblesses.
Les Himyarites ne sont pas les seuls habitants de la côte sud-
orientale ; elle est aussi occupée par d’importantes colonies africaines,
venues de Zanzibar et des îles voisines. J’expliquerai plus
tard quel rôle jouent ces nègres dans les affaires du pays. Le
Menasir officieux qui me donnait ces détails, enhardi par le
succès de sa première excursion, me proposa de parcourir avec
lui le Grand Désert et de visiter le Dofar et l’Hadramaut. Le
souvenir des souffrances que j’avais endurées dans le Dahna et
le Nefoud était encore trop présent à ma mémoire pour qu’une
pareille expédition eût de quoi me séduire, je l’ajournai donc à
une époque indéterminée. L’entreprise était assurément difficile
et présentait des dangers sérieux, mais elle pouvait conduire à
d’intéressantes découvertes.
Yousef-ebn-Khamis remit ses présents au jeune chef et ne
reçut en retour que des remercîments assez dédaigneux.
Kasim me parut moins intelligent et moins aimable que son
père; il a peu d’instruction, ce qui ne l’empêche pas d’être prétentieux
et hautain; il affecte de porter le costume et d’adopter
les usages des Wahabites, mais au fond du coeur il a plus de
dévotion pour la diva pecxmia que pour le Dieu du Coran. Les
hommes de sa suite croient devoir .se modeler sur le maître,
aussi leur société est-elle également ennuyeuse et peu profitable.
Le lendemain matin, nous prîmes congé de Kasim, puis, suivant
le chemin par lequel nous étions venus, nous retournâmes
manger le poisson d’Ebn-Thani et boire son mauvais café. Ce fut
seulement au bout de deux jours qu’un vent favorable nous
permit de nous embarquer pour l’Oman. La route de terre nous
aurait demandé au moins une quinzaine, en raison de la concavité
du golfe; de plus, ce que nous avions entendu dire des
Benou-Yass, de leurs habitudes déprédatrices, de leurs perfidies
et de leurs violences, ne nous engageait nullement à faire l’essai