
Cette< prétention suscita entre les deux princes une guerre qui
dura deux ou trois ans et obligea les parties belligérantes à solliciter
l’arbitrage de l’Angleterre. Au moyen d’une redevance
annuelle, Madjid obtint une indépendance absolue dans l’île de
Zanzibar et dans le Sowahil, nom que les Arabes donnent à leurs
possessions sur la côte africaine.
Une nouvelle contestation qui s’éleva bientôt, eut des conséquences
beaucoup plus fâcheuses. Thoweyni,. maître des deux
tiers de l’Oman, possédait les villes les plus importantès, les
meilleurs ports, tenait en un mot dans ses mains le commerce
national et les ressources du royaume. Le sentiment de sa force
excitant son ambition, il résolut d’enlever à son jeune frère
Amdjed sa part d’héritage. Mais celui-ci, tout dépourvu qu’il
était de puissance matérielle, ne craignit pas de soutenir la
lutte, car il pouvait compter sur l’énergique appui de tous ses
sujets, dont sa douceur et sa sagesse lui avaient gagné l’affection.
Quand la guerre eut éclaté entre les deux princes, Thoweyni
s’aperçut qu’il avait trouvé un adversaire redoutable. La
province la plus vaste et la plus populeuse de l’Oman, lé Bati-
nah, se déclara en faveur d’Amdjed; Nezwah, Bahilah.leDjebel-
Akhdar suivirent cet exemple, et Thoweyni, malgré sa supériorité
maritime, se vit refoulé dans Mascate.
L’Angleterre intervint une seconde fois ; malheureusement, ce
fut pour donner son appui à l’ambitieux agresseur. Amdjed, invité
à venir dans Mascate régler son différend avec son frère, s’y
rendit sans défiance. A peine avait-il mis le pied dans la ville, que
l’indigne Thoweyni, au mépris des serments les plus solennels,
1 enferma dans une forteresse où il est encore aujourd’hui
retenu prisonnier. La guerre, néanmoins, ne fut pas terminée;
les partisans d’Amdjed, indignés de la trahison dont leur chef
avait été victime, refusèrent de se soumettre. C’est alors que,
cédant à une inspiration fatale, Thoweyni appela les Wahabites
sur son territoire.
Peu importait à Feysul que ce fût l’un ou l’autre , des deux
frères qui occupât le trône de Saïd, mais l’appel de l’imprudent
Omanite lui fournissait un prétexte pour s’immiscer dans les
affaires d’une province que depuis longtemps il voulait soumettre
à l’influence nedjéenne. La révolte du Batinah avait d’ailleurs
un caractère qui la rendait particulièrement odieuse au
monarque wahabite. C’était un mouvement biadite, tenté
moins dans le but de donner la couronne au malheureux
Amdjed, que d’assurer le triomphe d’un principe patriotique,
des usages carmathes et anti-mahométans. Feysul s’empressa
donc de répondre à l’invitation qui lui était faite ;
une armée puissante fut réunie à Riad, le Nedjed entier, depuis
le Kasim jusqu’à l’Hasa, envoya des troupes, et l’on remit
au fougueux Abdallah le commandement des forces wahabites.
, .
Le prince envahit le Katar, et s’avança jusqu’à Shardjah, où
il rencontra un allié digne de lui, Khalid-ebn-Sakar, nedjéen
■d’origine, qui, après une lutte longue et sanglante contre son
frère et son oncle, avait fait reconnaître son autorité dans la
province. Un incident de la guerre fratricide soutenue par
ce chef le peint tout entier . Encore très-jeune, il avait chassé
son oncle de Shardjah, -et s’était rendu maître du palais. Le
prince légitime revint quelques semaines plus tard, amenant à
'l’appui de son droit une armée imposante; Khalid ne se sentit
pas assez fort pour soutenir le siège; il se retira, la rage dans le
coeur, mais avant de quitter la ville, il y mit le feu, afin de détruire
ce qu’il ne pouvait défen dre.
Wahabite orthodoxe, bien que par ses vices 'et ses débauches,
il mérite plutôt le nom de païen, Khalid haïssait les biadites et
avait formé le projet de soustraireShardjahàla domination omanite.
Ses féroces compatriotes, les Djowasimah de la côte, véritables
brigands riedjéens, devaient lui prêter leur appui,
mais cela ne suffisait pas. Il trouva l’aide dont il avait besoin
dans le fils de Feysul, Abdallah, son allié naturel par le sang, le
caractère et la religion. Le plan de la campagne d’Oman fut
discuté entre ce * par nobile fratrum. » Abdallah chargea Khalid
de soumettre le Batinah etSohar, tandis qu’avec le principal
corps de son armée, il marcherait contre le Djebel-Akhdar et
s’emparerait du district des montagnes : tout cela au nom de
Thoweyni qui, pareil au cheval de la fable, cherchant un allié,
avait trouvé un maître.
Quelques jours plus tard, Khalid, accompagné de sa soldatesque
sauvage, et renforcé par les troupes nedjéennes, fondit
sur le Batinah, où il passa au fil de l’épée tous ceux qui lui
opposaient de la résistance, incendia les villages, pilla les