
Abyssinienne insoucieuse et d’humeur bienveillante, comme la
plupart de ses compatriotes. La demeure du guide, tranquille
et confortable, était parfaitement appropriée au genre de vie
que nous voulions mener; le khawah, meublé avec élégance, ne
pouvait contenir à la fois plus de vingt convives; deux chambres
avaient été mises à notre disposition par Abou-Eysa : l’une,
fort grande, ouvrait sur la cour, l’autre était voisine de la pièce
dans laquelle se tenaient d’ordinaire la femme de notre hôte et
son fils. Une cuisine et un appartement particulier, dans lequel
ne pénétrait aucun profane, complétaient le second étage ; au-
dessus se trouvaient trois chambres inoccupées et une.vaste
terrasse sur laquelle il était fort agréable de se reposer le
matin et le soir. Dans la cour, nous pouvions contempler
à notre loisir * le chameau patient qui rumine, » cqmme s’exprime
Southey, dans un poème bien connu où la fécondité
de l’imagination rachète l’inexpérience de l’auteur sur beaucoup
de points de la vie orientale. Enfin, une tranquillité parfaite
régnait dans le voisinage, et nous étions par là même moins
exposés aux soupçons.
La ville d’Hofhouf, dont la vaste circonférence renfermait au
siècle dernier une population de trente mille habitants, réduite
aujourd’hui à vingt-trois ou vingt-quatre mille, se divise en
trois quartiers : celui de Kôt (forteresse), — mes lecteurs de Bombay
reconnaîtront le mot exotique importé des rives delà Tapti,
■—où réside le gouverneur wahabite ; celui de Rifeyah, habité par
les nobles et anciennes familles ; enfin, le Naathar, qui contient
à la fois de riches négociants et de pauvres ouvriers. La maison
d’Abou-Eysa était située dans ce dernier quartier qui avait
l’avantage de se trouver à une grande distance du Kôt et de sa
sinistre influence, en même temps que de rester étranger aux
mouvements séditieux du Rifeyah, centre de la réaction anti-
wahabite, dont le nom seul excitait la méfiance et l’aversion des
Nedjéens.
La place publique d’Hofhouf, longue de trois cents mètres
sur soixante-dix à quatre-vingts de large, forme le point de
jonction des trois quartiers; le Kôt s’étend au nord-est, le
Rifeyah, au nord-ouest et à l’ouest, le Naathar, à l’est et au
sud.
La vaste citadelle du Kôt, protégée par des fossés profonds,
entourée de murailles et de tours d’une épaisseur extraordinaire,
date de l’époque carmathe. Elle est presque carrée, ayant
un tiers de mille de longueur et un quart de largeur. Sur trois
des côtés s’ouvre une porte centrale, le quatrième, tourné vers
le nord, est flanqué d’un donjon puissamment fortifié dont la
tour est haute de soixante pieds environ. Dans la forteresse habite
le gouverneur nedjéen, successeur de Mohammed-es-Sedeyri.
C’est un nègre nommé Belal qui aurait sans doute été un excellent
esclave, mais qui, s’il faut en croire la rumeur publique,
est un détestable administrateur. Le Kôt renferme aussi la mosquée
modèle où les cérémonies du culte s’accomplissent d’après
les règles du plus pur wahabisme ; non loin de là demeurent les
metowas, les zélateurs envoyés de Riad, les fanatiques Nedjéens
de l’Ared, du Woshem, de l’Yémamah. Des rues, partant des
différentes portes, partagent le fort en quatre rectangles,
dans lesquels se presse une nombreuse population; aussi
les habitants du Kôt peuvent-ils être évalués à deux ou trois
mille.
Sur chaque côté de la forteresse s’élèvent quinze ou seize tours
pourvues d’escaliers tournants, de meurtrières et de mâchicoulis.
Les murailles sont protégées par de semblables moyens
de défense; on laisse ordinairement à sec les fossés extérieurs,
mais quand les circonstances l’exigent, il est facile d’y amener
l’eau des puits voisins.
Le Keysaryah (marché) commence à l’autre bout de la place,
c’est-à-dire à l’entrée du Rifeyah. Il affecte la forme d’une longue
arcade voûtée que terminent à chaque extrémité des pilastres
massifs; les portes qui, dans les autres villes de l’Orient,
ferment l’entrée du keysaryah, n’existent pas à Hofhouf; sur
les côtés s’élèvent des boutiques destinées à la vente des marchandises
précieuses, telles qu’armes, tissus, broderies, bijoux
d’or et d’argent. 0e ce bâtiment partent plusieurs allées, abritées
de la chaleur par des feuillages de palmier, et tracées avec
une certaine symétrie; les produits de Bahraïn, de l’Oman, de la
Perse et de l’Inde sont étalés dans les boutiques avec les articles
de manufacture indigène ; on y voit aussi des ateliers de forgeron,
de charpentier, de cordonnier. Sur la place s’élèvent une
multitude de tentes affectées à la vente des dattes, des légumes,
du bois, des sauterelles salées et d’autres menus objets. Le