
déjà vu pratiquer dans le Kasim. Toutes les fois qu’une guerre
est résolue, une levée de troupes ordonnée, les premiers appelés
à porter les armes sont les commerçants, les industriels, les
ouvriers ; quand nous arrivâmes à Hofhouf, la moitié des habitants
les plus considérables avaient dû quitter leurs affaires,
sacrifier leur fortune pour une guerre dont le seul effet sera de
les river plus fortement au joug wahabite.
Le climat de l’Hasa est beaucoup moins favorable à la santé
que celui des montagnes; un médecin a donc de meilleures occasions
d’y gagner de riches honoraires, d’autant plus que la
valeur relative de l’argent n’est pas aussi élevée, et que l’esprit
cultivé des habitants leur permet d’apprécier l’utilité de la
science médicale. Les Arabes de cette province sont en général
de taille moyenne, ils ont des_ membres bien proportionnés,
mais leur teint est un peu blême, et leur développement musculaire
inférieur à celui delà plupart des habitants de la Péninsule
; leurs traits réguliers sont mpins accentués que ceux des
Nedjéens et ne portent pas l’empreinte du type juif;-il y a au
contraire en eux quelque chose qui rappelle la race du Guzze-
rat. Ils aiment passionnément les lettres et surtout la poésie,
soit celle qui adopte le rhythme arabe, soit celle qui suit les
règles de la versification nabathéenne.
Ce dernier mode de composition, dont le Nedjed possède de nombreux
spécimens, s’emploie ici beaucoup plus fréquemment que
la forme arabe dont il diffère par la mesure et la rime ; la première
varie jusque dans la même pièce, et les secondes, au lieu
d’être suivies, sont croisées. En un mot, ce genre de poésie présente
une grande analogie avec la ballade anglaise ordinaire,
et il est comme* elle, populaire dans le pays.
Quant à l’époque de son introduction en Arabie, aux circonstances
qui l’ont accompagnée, aux raisons qui lui ont fait donner
le nom de nabathéen, je n’ai rien pu en découvrir, comme il
n’arrive que trop souvent pour les recherches historiques chez
les Orientaux. Cependant cette forme particulière de littérature,
dont on trouve les premières traces dans le Nedjed, et qui a
une grande vogue dans l’Hasa,domine tout à fait dans l’Oman;
le 11 abtij, pour donner à la poésie .nabathéenne son nom local
est exclusivement employé par les auteurs du Batinah et du
Djebel-Akhdar.
« Que sont les habitants de Bahraïn? » disait le féroce Hedjadj
au malheureux annaliste arabe Eyoub-ebn-el-Kirryah, lorsqu’il
le tenait suspendu entre la vie et la mort. « Des Nabathéens
transformés en Arabes, » répondit l’historien. « Et que sont les
habitants de l’Oman? » lui fut-il demandé ensuite. * Des Arabes
transformés en Nabathéens. » Ce dialogue du plus haut intérêt,
mais que sa longueur ne me permet pas de reproduire ici, avait
lieu, s’il faut en croire Ebn-Kallikan, vers la quatre-vingt-
quatrième année de l’hégire, ce qui assurerait à la race nabathéenne
et à son influence sur la côte orientale de la Péninsule
une date assez ancienne. En outre, si l’on se rappelle que les
Nabathéens ou- ■ Nabat » rendaient aux astres les honneurs
divins, et que l’Hasa et l’Oman étaient le siège principal de la
religion sabéenne au temps de Mahomet, on aura une preuve
nouvelle de l’influence du peuple dont nous parlons.
Chacun a ses théories, et j’espère que ce privilège ne me sera
pas refusé. Quels étaient ces Nabathéens dont on retrouve les
traces depuis le Jourdain jusqu’au Tigre, depuis le nord de la
Mésopotamie, — où les Sabéens de Mardin les représentent
encore, — jusqu’au Ras-el-Hadd? A quelle famille de l’humanité
appartiennent-ils? Les principes les plus élémentaires de l’éty-
mologie sémitique suffisent à réfuter la ridicule conjecture qui
les identifie avec les « Nebadjoth » de l’Écriture. La double
différence-de voyelle *et de consonne qui existe dans les mots
« Nabat » et * Nebadjoth » dément de la manière la plus formelle
toute communauté d’origine, sans parler de plusieurs
autres preuves évidentes pour un esprit réfléchi. Il faut
abandonner ces théories hyperbibliques,—je ne sais de quel
autre nom les appeler, — à ceux qui font descendre d’Agar,’
l’esclave d’Abraham, les- Benou-Hadjar de l’Hasa, et lisent le
Pentateuque tout entier sur les rochers du Sinaï ; ce sont là des
rêves de l’imagination qui ne supportent pas une critique sérieuse.
Quelques savants inclinent à croire que les Nabathéens
sont issus des Chaldéens; d’autres les regardent comme une
nation particulière. Makrizi, dans l’un de ses ouvrages, les
classe au nombre des Persans.
Quant à moi, je verrais dans le mot Nabathéens, moins le nom
d’un peuple qu’un terme de convention. Les Syriens et les
Arabes appellent ainsi toutes les populations qui habitent la