
plus à ses déplorables tendances religieuses; depuis quelques
années, il est devenu l’instrument docile d’une secte ambitieuse
et cruelle qui, par les mains de son fils Abdallah, administre le
royaume en son nom et arrache à sa débile vieillesse la sanction
des mesures les plus oppressives et des plus monstrueuses iniquités.
Parfois quelques rayons d’un naturel meilleur percent les
nuages de tyrannie et de perversité fanatiques qui ont été accumulés
autour de sa décrépitude, preuve évidente qu’en d’autres
circonstances, avec une éducation et des conseils plus sages, le
fils de Turki aurait pu être un excellent roi, au moins pour le
Nedjed.
À peine monté sur le trône, Feysul appliqua tous ses efforts à
rétablir l’ordre dans ses États, que la révolte de Meshari avait
jetés dans une confusion extrême. Mais ses desseins furent bientôt
entravés. Le vice-roi d’Égypte, jugeant l’occasion favorable pour
venger les derniers désastres d’Hoseyn-Pacha, et rétablir son
autorité dans l’Arabie centrale, envoya contre le Nedjed un nouveau
commandant, Kourshid-Pacha, et mit à sa disposition des
forces considérables. Le Kasim, qui était resté au pouvoir des
Égyptiens, leur livra un passage par lequel ils pénétrèrent dans
la Wadi Hanifah. Kourshid-Pacha fondit à l’improviste sur le
nouveau souverain, qui ne dut son salut qu’à une fuite précipitée ;
plusieurs membres de la famille royale furent faits prisonniers
et envoyés au Caire. Le pacha remit alors la vice-royauté du
Nedjed entre les mains de Khalid, petit-fils, non pas d’Abd-el-
Aziz, mais d’un de ses frères, puis il retourna dans ïe Kasim,
dont le climat lui convenait mieux que celui de l’Ared.
Peysul, chassé de sa capitale, et n’éprouvant d’ailleurs aucun
désir de soutenir, comme son père, une lutte de guérillas contre
les envahisseurs, utilisa l’occasion qui lui était offerte de visiter
les pays étrangers ; après un pèlerinage à La Mecque, entrepris
sous un déguisement, il se rendit à Damas, à Jérusalem, et dans
plusieurs autres villes de la côte syrienne. Il est triste de voir
que les monarques exilés rapportent rarement des fruits
de leurs voyages ; soit que leur esprit soit trop préoccupé de
griefs réels ou imaginaires, soit que le mauvais génie qui
les accompagnait sur le trône les suive aussi dans leurs excursions.
Ni Denys le Tyran, dans l’antiquité, ni Charles II, au dix-
septième siècle, ni le comte d’Artois dans le nôtre, ne paraissent
être revenus à Syracuse, à Londres ou à Paris, plus sages ou
meilleurs qu’ils en étaient partis. Un seul prince, parmi nos
contemporains, a si bien tiré profit des leçons de l’adversité que
le proscrit s’est montré capable de gouverner un grand empire.
Exemple d’autant plus remarquable qu’il est plus rare.
En quittant sa patrie, Peysul n’avait pas encore le coeur complètement
perverti, ni l’esprit faussé par les exagérations de sa
secte ; mais à Damas, le fanatisme des Hambelites ou des Shafites
le pénétra jusqu’à la moelle. Cette influence, qui rapetissa
la taille du Nedjéen à celle d’un Wahabite, dura deux ans, au
bout desquels un message le rappela dans sa patrie. Khalid,
humilié du rôle ingrat que l’Égypte faisait jouer dans sa personne
à un Ebn-Saoud, avait depuis longtemps manifesté le
désir de déposer un pouvoir dangereux et précaire. C était une
nature amie du calme et dépourvue d’ambition; bien que ses
compatriotes eussent gardé un trop vif souvenir des qualités de
ses ancêtres pour se soulever contre lui, ils lui surent gré de ses
scrupules, et approuvèrent ses velléités d’abdication. Peysul ayant
reparu, Khalid quitta le Kasim et retourna en Égypte, oû il
demeura plusieurs années; il vint ensuite s’établir à La Mecque,
et vécut tranquille et respecté jusqu’à ce qu’enfin, en 1861, il eut
le privilège, rare parmi les siens, de mourir de mort naturelle
dans son lit.
Khourshid-Pacha n’était pas disposé à rester tranquille spectateur
du rétablissement de Feysul. Il fondit à l’improviste sur
la capitale de l’Ared, pénétra dans le palais avant que le roi eût
pu prendre la fuite et emmena en Égypte le malheureux prince,
qui voyagea cette fois, non en touriste, mais comme prisonnier
de guerre. Mehemet-Ali avait donné l’ordre de le conduire sans
délai dans une forteresse située près de Suez, où il demeura
jusqu’à l’avénement d’Abbas-Pacha.
Ebn-Theneyan, cousin de Khalid, et comme lui, petit-fils
d’Abdel-Aziz, fut nommé par Khourshid-Pacha vice-roi du Nedjed.
Très-différent de Khalid, le nouveau souverain, — ou plutôt
le nouveau vassal de l’Égypte, — avait hérité de toutes les qualités
bonnes et mauvaises des Ebn-Saoud. Beau, généreux, hardi,
habile à concevoir un plan, prompt à l’exécuter, il était pourtant
de ces hommes * sanguinaires et trompeurs *> qui, dans notre
siècle aussi bien qu’au temps de David, * périssent avant d’avoir