
secte, que sa nature condamne à toujours reculer au lieu d’a vancer.
Connaissant la cause du mal, Ibrahim résolut d’en finir
avec lui une fois pour toutes.
.Quand il eut placé la famille royale dans une retraite honora-
ble, où cependant elle était gardée à vue, il fit venir les metowas
et les docteurs, dont le nombre s’élevait, dit-on, à cinq cents. Il
leur apprit qu’il désirait entendre une discussion approfondie
sur les points de doctrine à l’égard desquels ils se séparaient
des mahométans ordinaires; que dans ce but il avait amené
d’Egypte de savants théologiens, qu’une conférence aurait lieu
dans 1 enceinte de la Djamia et qu’il, se proposait d’y assister.
L’invitation d’un conquérant n’admettant pas de refus, les
séances du concile commencèrent. Elles durèrent, dit-on, trois
jours; toutes les questions de controverse furent minutieusement
discutées, et chacun sans doute crut avoir remporté sur
ses adversaires une victoire complète. Ibrahim pacha, fort indifférent
à ces dissertations, écoutait néanmoins dans un silence et
avec un recueillement exemplaires.
Le quatrième jour, soit que sa patience fût épuisée, soit qu’il
jugeât le moment venu dpntervenir, jil prit la parole. Après
avoir obtenu des docteurs cette profession de foi, qui d’ailleurs
n’est pas particulière aux sectes musulmanes : « De même qu’il
n y a qu’un vrai Dieu, il n’y a qu’une vraie religion et cette religion
est la nôtre, » il leur demanda si le salut était possible en
dehors de leur croyance, et sur leur réponse négative, il reprit
dans son mauvais dialecte égyptien :
« A oyons, ânes que vous êtes, qu’avez-vous à nous dire sur le
paradis, quelle est son étendue? » A cette question, le Coran
n admet qu’une seule réponse : « Le paradis promis aux fidèles
est grand comme le ciel et la terre ensemble. »
1 Paradis grand comme le ciel et la terre ! répéta Ibrahim ?
Cependant si par un incompréhensible décret de la volonté di-
vme, vous y étiez admis, vous autres Wahabites, un seul arbre
de ses jardins suffirait à vous abriter tous. Pour qui serait je
vous prie, le reste de l’éternelle demeure? »
Les docteurs nedjéens demeurèrent silencieux. « Tombez sur
eux et massacrez-les! » s’écria Ibrahim en se retournant vers
ses soldats. Et quelques minutes après, la mosquée devenait le
tombeau des infortunés sectaires.
Je ne prétends pas justifier la conduite d’Ibrahim ; je me
bornerai à dire, qu eu égard au pays où il se trouvait, il agit
sagement. La tolérance pour les masses est commandée par la
justice; la tolérance pour des fanatiques et des agitateurs est
peut-être conforme à la morale, mais la prudence ne la permet
certainement pas toujours. Encourager des doctrines et des pratiques
contraires à la paix, à la stabilité, au progrès national,
n’est pas un acte sage; et cela est surtout vrai chez les nations
orientales.
Après avoir, pour employer une expression arabe, * fait goûter
aux habitants de Dereyah sa douceur et son amertume, * Ibrahim
tourna ses efforts vers une oeuvre qui devait mettre en lumière
son rare talent organisateur. Il visita les provinces, se
conciliant partout l’affection du peuple et des chefs nationaux,
effrayant les réformateurs religieux par une inflexible sévérité,
introduisant enfin la civilisation, l’ordre et la justice. Il ne faudrait
pas croire que je trace du grand pacha un portrait imaginaire,
je me borne à répéter ce qui m’a été dit au Nedjed, dans
le pays conquis par le sage capitaine. Un seul des soins qui attirèrent
l’attention d’Ibrahim a produit des résultats visibles encore
aujourd’hui, et dont j’ai pu constater par moi-même la
haute valeur. Je veux parler du système de fortifications qu’il
établit, des citadelles qui défendent l’entrée de la Wadi Hanifah,
qui protègent Dereyah et d’autres places importantes au point de
vue stratégique. En même temps, par la construction de nouveaux
puits, il encourageait l’agriculture et disputait au désert
son domaine. Nous avons vu que ses tentatives échouèrent auprès
d’Eyanah, la ville maudite; la Wadi Farouk nous fournira
bientôt un second exemple de son esprit d’entreprise. Le commerce
prit un essor rapide, la soie, les bijoux, le tabac affluèrent
au Nedjed, et, chose déplorable, qui prouve la perversité
profonde de la nature humaine, l’orthodoxie du règne actuel
n’a pu déraciner complètement les habitudes coupables contractées
pendant cette courte période de licence.
Quelques mois après, Ibrahim emmenait au Caire Abdallah,
presque tous les membres de la famille des Saoud, et plusieurs
autres otages choisis dans les plus nobles familles de Riad. Son
but, en agissant ainsi, n’était pas seulement de s’assurer la soumission
des provinces conquises, il voulait former pour le