si la longueur de l’année n’eût pas été reconnue autrement, on
auroit pu s’y tromper d’un et de deux jours (i). Ils ne doutent
donc pas que cette durée de 365 jours un quart ne soit celle de
l’année tropique, mal déterminée par l’observation de l’ombre ou
par celle du point où le soleil se levoit chaque jour, et identifiée
par ignorance avec l’année héliaque de Sirius ; en sorte que ce seroit
un pur hasard qui auroit fixé avec tant de justesse la durée de celle-
ci pour l’époque dont il est question (2).
Peut-être jugera-t-on aussi que des hommes capables d’observations
si exactes, et qui les auroient continuées pendant si longtemps,
n’auroient pas donné à Sirius assez d’importanee pour lui
vouer un culte; car ils auroient vu que les rapports de son lever
avec l’année tropique et avec la crue du Nil n’étoient que temporaires,
et n’avoient lieu qu’à une latitude déterminée. En effet, selon
les calculs de M. Ideler, en 2782 avant J. C ., Sirius se montra dans
la haute Egypte, le deuxième jour après le solstice; en i 322, le
treizième, et en i 3g de J. C., le vingt-sixième (3). Aujourd’hui il
ne se lève héliaquement que plus d’un mois après le solstice; Les
Egyptiens se seroient donc attachés de préférence à trouver l’époque
qui rameneroit la coïncidence du commencement deleur année sacrée
avec celui de la véritable année tropique; mais alors ils auroient reconnu
que leur grande période devoit être de i 5o8 années sacrées,
et non pas de 1461 (4). Or on ne trouve certainement aucune trace
de cette période de i 5o8 ans dans l’antiquité.
En général, peut - on se défendre de l’idée que si les Egyptiens
avoient eu de si longues suites d’observations et d’observations 1
(1) Delambre, Abrégé d’Astronomie , p. 217; et dans sa note sur les paranatellons, Hist.
de l’Astron. du moyen âge , p. lij.
- (2) Delambre, Rapport sur le Mémoire de M. de Paravey sur la sphère, dans le tome VIII
des nouvelles Annales des Voyages.
(3) Ideler, loc. c i t ., p. 38.
(4) Voyez L a Place, Syst. du Monde, IIIe. éd ., p. 17 ; et Annuaire de 1818.
exactes, leur disciple Eudoxe, qui étudia 13 ans parmi eux, auroit
porté en Grèce une astronomie plus parfaite, des cartes du ciel
moins grossières, plus cohérentes dans leurs diverses parties (i).
Comment la précession n’auroit-elle été connue aux Grecs que
par les ouvrages d’Hipparque, si elle eût été consignée dans les.registres
des Egyptiens, et écrite en caractères si manifestes aux plafonds
de leurs temples ?
Comment enfin Ptolomée qui écrivoit en Egypte n’auroit-il daigné
se servir d’aucune des observations des Egyptiens (2) ?
Il y a plus ; c’est que Hérodote qui a tant vécu avec eux ne parle
nullement de ces six heures qu’ils ajoutoient à l’année sacrée, ni
de cette grande période sothiaque qui en résultoit ; il dit au contraire
positivement que, les Egyptiens faisant lèur année de 365 jours, les
saisons reviennent au même point, en sorte que de son temps on ne
paroît pas encore s’être douté de là nécessité de ce quart de jour (3).
Thalès, qui avoit visité les prêtres d’Egypte moins d’un siècle avant
Hérodote, ne fit aussi connoître à ses compatriotes qu’une année de
365 jours seulement (4); et si l’on réfléchit que les colonies sorties
de l’Egypte i 4 ou i 5oo ans avant J. C ., les Juifs, les Athéniens, en
ont toutes apporté l’année lunaire, on jugera peut-être que l’année
de 365 jours elle-même n’existoit pas encore en Egypte dans ce
temps-là.
Je n’ignore pas que Macrobe (5) attribue aux Égyptiens une
année solaire de 365 jours un quart; mais cet auteur récent comparativement,
et venu long-temps après l’établissement de l’année
(1) Voyez sur la grossièreté des déterminations de la sphère d’Eudoxe, M. Delambre,
dans le i er. tome de son Hist, de l’Astron. anc ., p. 120 etsuiv.
(2) Voyez le discours préliminaire de l’Hist. de l’Astron. du moyen âge, par M. Delambre,
p. viij et suiv.
(3) Euterpe, chap. IV.
(4) Diog. Laert. , lib. I , in Thalet.
(5) Saturnal., lib. I , cap. XV