tion, ainsi que celles de tous les animaux soumis au même régime.
On sait même qu’il est nécessaire que leurs dents s’usent, pour que
leur surface soit en état de broyer les substances végétales. Ce fait
général, mis encore récemment dans le plus beau jour par les travaux
de M. T enon , prouveroit a lui seul, et indépendamment de
tous ceux que nous venons de développer, que les dents ne sontpas
organisées comme les os. Qui ne sait à quels aceidens ces derniers
sont exposés lorsqu’ils sont entamés ou seulement mis à nu?
Les sommets des petites dentelures des lames s useront les premiers;
une fois usés jusqu’à la substance intérieure, chacun de ces
sommets présentera un disque circulaire ou ovale de cette substance,
entouré d’un cercle d’émail et d’un cercle de cortical; et il y aura
une rangée de ces petits cercles par chaque lame.
Si la détrition pénètre jusqu’au fond des échancrures qui produisent
les dentelures, tous ces petits cercles se réuniront en un seul
ruban de substance osseuse, entouré d une double ligne d email, et la
substance corticale fera tout le tour de la table de la dent, et occupera
tous les intervalles des rubans. Chaque ruban sera la coupe
de l’une des lames transversales qui composent la dent.
Et si la détrition pouvoit aller jusqu’à l’endroit où les lames se
réunissent toutes en une seule base, la dent toute entière nof-
friroit plus qu’un très-grand disque de substance osseuse, entouré
de toute part d’un petit bord d’éinail et d’un autre de cortical.
Mais la détrition ne peut jamais aller complètement jusque-là,
parce que la détrition ne se fait pas en même temps sur toute la
couronne, ainsi que la consolidation ne s'y étoit pas faite; et en
voici la raison.
La dent, par sa forme rhomboïdale dans le sens vertical et par sa
position très-oblique, présente beaucoup plus tôt sa partie antérieure
à la mastication, que sa partie postérieure. Le plan ou La table produite
par la mastication, fait donc, avec la surface commune des sommets
de toutes les lames, un angle ouvert en arrière; et il arrive de là que
lorsque les lames de devant sont entamées profondément et forment
des rubans entiers, les lames intermédiaires n’offrent encore que des
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rangées transversales de cercles ou d’ovales, et que celles de derrière
sont tout-à-fait intactes, et présentent les sommets de leurs
dentelures en forme de mamelons arrondis.
Les lames antérieures sont même tout-à-fait détruites ayant que
les postérieures soient entamées fort avant ; et il arrive de là un
autre phénomène, aussi particulier à l ’éléphant : c’est que ses dents diminuent
de longueur, en même temps qu’elles diminuent de hauteur.
Pendant que la partie extérieure de la dent s’use et diminue, la
portion de racine qui lui correspond s’use d’une autre manière qui
est plus difficile à concevoir. En examinant ce qui en reste, on voit
qu’elle est comme rongée ; elle présente à sa surface de petites fossettes
irrégulières, comme si elle eût ete dissoute par un acide qu on
y auroit jeté par gouttes. C’est une sorte de carie semblable à celle
qu’éprouvent les dents de l’homme quand elles sont dépouillées de
leur émail. Nous en rechercherons la cause plus bas. Toujours est-il
que la dent se trouve par là successivement privée, dans les diverses
portions de sa longueur, de segmens ou de tranches qui en oecupoient
toute la hauteur.
De là résulte encore un antre effet singulier: c’est que la partie
antérieure de la'mâchoire, devant toujours être remplie, la dent
se meut d’arrière en avant dans le sens horizontal, en même temps
quelle se porte dans le sens vertical de haut en bas ou de bas en
haut, selon qu’elle appartient à la mâchoire supérieure ou inferieure.
Voilà comment chaque dent, au moment où elle tombe, se
trouve très-petite, quelque grande quelle ait pu être auparavant.
Ce mouvement de la dent active fait de la place pour celle qui se
forme dans l’arrière-mâchoire et qui doit lui succéder; cette seconde
dent aide, par son développement, à pousser la première en avant;
et l’on pourroit dire que les dents de remplacement de l’éléphant
viennent derrière ses dents de lait, au lieu de venir dessus ou dessous
comme dans les autres animaux..
Patrice B la ir (i) qui avoit aperçu des lames transversales sé-
(i) Trans, p h il., tome XXVII, n°. 3a6, p. i x6.