Première
apparence de la
terre.
Premières
preuves de révolutions.
les modifications particulières que mon ouvrage doit introduire dans
les opinions reçues jusqu’à ce jour sur l’histoire primitive du globe;
enfin j’examinerai jusqu’à quel point l’histoire civile et religieuse des
peuples s’accorde avec les résultats de l’observation sur l’histoire
physique de la terre, et avec les probabilités que ces observations
donnent touchant l’époque où les sociétés humaines ont pu trouver
des demeures fixes et des champs susceptibles de culture et où par
conséquent elles ont pu prendre une forme durable.
Lorsque le voyageur parcourt ces plaines fécondes où des eaux
tranquilles entretiennent par leur cours régulier une végétation
abondante, et dont le sol, foulé par un peuple nombreux, orné
de villages florissans, de riches cités, de monumens superbes, n’est
jamais troublé que par les ravages de la guerre ou par l’oppression
des hommes puissans, il n’est pas tenté de croire que la nature ait
eu aussi ses guerres intestines, et que la surface du globe ait été
bouleversée par des révolutions successives et des catastrophes diverses
; mais ses idées changent dès qu’il cherche à creuser ce sol
aujourd’hui si paisible, ou qu’il s’élève aux collines qui bordent la
plaine; elles se développent pour ainsi dire avec sa vue, elles
commencent à embrasser l’étendue et la grandeur de ces événemens
antiques dès qu’il gravit les chaînes plus élevées dont ces collines
couvrent le pied, ou qu’en suivant les lits des torrens qui descendent
de ces chaînes il pénètre dans leur intérieur.
Les terrains les plus bas, les plus unis, excavés jusqu’à de très-
grandes profondeurs, ne montrent que des couches horizontales de
matières variées, enveloppant presque toutes d’innombrables produits
de la mer. Des couches pareilles, des produits semblables,
composent les collines jusqu’à de grandes hauteurs. Quelquefois les
coquilles sont si nombreuses, qu’elles forment à elles seules toute la
masse du sol. Presque partout elles sont si bien conservées , que
les plus petites d’entre elles gardent leurs parties les plus délicates,
leurs crêtes les plus subtiles, leurs pointes les plus déliées. Elles
s’élèvent à des hauteurs superieures au niveau de toutes les mers,
et où nulle mer ne pourroit être portee aujourd hui par des causes
existantes. Elles ne sont pas seulement enveloppées dans des sables
mobiles, mais les pierres les plus dures les incrustent souvent et en
sont pénétrées de toute part. Toutes les parties du monde, tous les
hémisphères, tous les continens, toutes les îles un peu considérables
présentent le même phénomène. On est donc bientôt dispose à
croire , non-seulement que la mer a envahi toutes nos plaines, mais
quelle y a séjourné long-temps et paisiblement pour y former des
dépôts si étendus, si épais, en partie si solides, et contenant des dépouilles
si bien conservées. Le temps nest plus où l’ignorance pou-
voit soutenir que ces restes de corps organisés étoient de simples
jeux de la nature, des produits conçus dans le sein de la terre par
ses forces créatrices. Une comparaison scrupuleuse de leurs formes,
de leur tissu, souvent même de leur composition chimique, ne
montre pas-la moindre différence entre ces coquilles et celles que la
mer nourrit ; elles ont donc vécu dans la mer ; elles ont été déposées
par la mer : la mer existoit donc dans les lieux où elle les a laissées ;
le bassin des mers a donc éprouvé au moins un changement, soit en
étendue, soit en situation. Yoilà ce qui résulte déjà des premières
fouilles, et de l’observation la plus superficielle.
Les traces de révolutions deviennent plus imposantes quand on
s’élève un peu plus haut, quand on se rapproche davantage du pied
des grandes chaînes.
Il y a bien encore des bancs coquilliers ; on en aperçoit même de
plus épais, de plus solides: les coquilles y sont tout aussi nombreuses,
tout aussi bien conservées; mais ce ne sont plus les mêmes
espèces ; les couches qui les contiennent ne sont plus aussi généralement
horizontales. Elles se redressent obliquement, quelquefois
presque verticalement. Au lieu que, dans les plaines et les collines