xviii D IS C O U R S
Causes as1
nomiques
tantes.
toutes celles dont nous venons de parler. Quoique nous n’ayons aucune
idée nette des moyens par lesquels la nature entretient à de
si grandes profondeurs Ces violens foyers, nous jugeons clairement par
leurs effets des changemens qu’ils peuvent a voir produits h la surface du
globe. Lorsqu’un volcan se déclare, après quelques secousses, quelques
tremblemens de terre , il se fait une ouverture. Des pieVres, des
cendres sont lancées au loin ; des laves sont vomies ; leur partie la
plus fluide s’écoule en longues traînées; celle qui l’est moins s’arrête
aux bords de 1 ouverture, en élève le contour , y forme un cène
terminé par un cratère. Ainsi les volcans accumulent sur la surface,
après les avoir modifiées, des matières auparavant ensevelies dans la
profondeur ; ils forment des montagnes; ils en ont couvert autrefois
quelques parties de nos continens ; ils ont fait naître subitement des
îles au milieu des mers ; mais c’étoit toujours de laves que çes montagnes
, ces îles étoient composées ; tous leurs matériaux avoient subi
l’action du feu. Les volcans ne soulèvent donc ni ne culbutent les
couches que traverse leur soupirail ; et ils n’ont poipt contribué
à l’élévation des grandes montagnes non volcaniques.
Ainsi, nous le répétons, c’est en vain que l’on cherche, dans les forces
qui agissent maintenant à la surface de la terre, des causes suffisantes
pour produire les révolutions et les catastrophes dont son enveloppe
nous montre les traces; et, si l’on veut recourir aux forces extérieures
constantes connues jusqu’à présent, l’on n’y trouve pas plus de res-
sourcesi
tro- Le pôle de la terre se meut dans un cercle autour du pôle de
,ns_ l’écliptique : son axe s’incline plus ou moins sur le plan de cette même
écliptique ; mais ces deuxmouvemeus, dont les causessont aujourd’hui
appréciées, ne passent point certaines limites, et ces limites sont
trop étroites pour les effets que nous avons reconnus. D’ailleurs ces
mouvemens, d’une lenteur excessive, ne peuvent expliquer des catastrophes
qui nécessairement ont dû être subites.
P R É L IM IN A IR E . XIX
Le même raisonnement s’applique à toutes les actions lentes que
l’on a imaginées, sans doute dans l’espoir qu’on ne pourroit en niér
l’existence, parce qu’il seroit toujours facile de soutenir que leur lenteur
même les rend imperceptibles. Vraies ou non, peu importe;
elles n’expliquent rien , puisque aucune cause lente ne peut avoir
produit des effets subits. Y eût-il donc une diminution graduelle des
eaux, la mer transportât-elle dans tous les sens des matières solides,
la température du globe diminuât ou augmentât-elle; ce n’est rien
de tout cela qui a renversé nos couches, qui a revêtu de glacé
de grands quadrupèdes avec leur chair et leur peau, qui a mis à sec
des coquillages encore aussi bien conservés que si on les eût pêchés
vivans, qui a détruit enfin des espèces et des genres entiers.
Ces argumens ont frappé le plus grând nombre des naturalistes ;
et, parmi ceux qui ont cherché à expliquer l’état actuel du globe , il
n’en est presque aucun qui l’ait attribué en entier à des causes lentes,
encore moins à des causes agissant sous nos yeux. Cette nécessité où
ils se sont vus de chercher des causes différentes de celles que nous
voyons agir aujourd’hui, est même ce qui leur a fait imaginer tant
de suppositions extraordinaires, et les a fait errer et se perdre en
tant de sens contraires, que le nom même de leur science, ainsi
que je l’ai dit ailleurs, en est presque devenu ridicule poiir quelques
personnes prévenues, qui n’y voient que les systèmes qu’ elle a fait
éclore, et qui oublient la longue et importante série des faits certains
qu’elle a fait connoître (i).
Pendant long-temps on n’admit que deux événemens, que deux
époques de mutations sur le globe : la création et le déluge ; et tous
les efforts des géologistes tendirent à expliquer l’état actuel, enima-
(i) Lorsque j ’ai dit cela, j’ai énoncé un fait dont on est chaque jour témoin; mais je n’ai
pas prétendu exprimer ma propre opinion, comme des géologistes estimables ont paru le
croire. Si quelque équivoque dans ma phrase a été la cause de leur erreur, je' leur en fais
ici mes excuses.
Anciens
ternes des gé
gistes.