être même quelques-uns de ceux-là, portent le nom de Rouslmi;
qu’en Egypte ou en Arabie, ils portent ceux de Joseph, de Salomon.
C’est une ancienne coutume des Orientaux et probablement
de tous les peuples ignorans. Nos paysans appellent Camp de César,
tous les anciens retranchemens romains.
En un mot, plus j’y pense, plus je me persuade qu’il n’y avoit
point d’histoire ancienne à Babylone, àEcbatane, plus qu’en Egypte
et aux Indes. Et au lieu de porter comme Evhémère ou comme
Bannier la mythologie dans l’histoire, je suis d’avis qu’il faudroit
reporter une grande partie de l’histoire dans la mythologie.
Ce n’est qu’à l’époque de ce qu’on appelle communément le second
royaume d’Assyrie, que l’histoire des Assyriens et des Chaldéens
commence à devenir claire ; à l’époque où celle des Egyptiens devient
claire aussi ; lorsque les rois de Ninive, de Babylone et d’Egypte commencent
à se rencontrer ët à se combattre sur le théâtre de la Syrie
et de la Palestine.
Il paroît néanmoins que les auteurs de ces contrées, ou ceux qui
en avoient consulté les traditions, et Rérose, et Hiéronyme, et
N icolas de Damas, s’accordoient à parler d’un déluge; Bérose le.
décrivoit même avec des circonstances tellement semblables à celles
de la Genèse , qu’il est presque impossible que ce qu’il en dit
ne soit pas tiré des mêmes sources; bien qu’il en recule l’époque
d’un grand nombre de siècles, autant du moins que l’on peut en juger
parles extraits embrouillés que Josephe, Eusèbe et le Syncellenous
ont conservés de ses écrits. Mais nous devons remarquer, et c’est par
cette observation que nous terminerons ce qui regarde les Babyloniens
, que ces siècles nombreux et cette grande suite de rois placés
entre le déluge et Sémiramis sont une chose nouvelle, entièrement
propre à Bérose, et dont Ctésias et ceux qui l’ont suivi n’ayoient pas
eu l’idée, qui n’a même été adoptée par aucun des auteurs profanes
postérieurs à Bérose. Justin et Velleius considèrent Ninus comme
le premier des conquérans, et ceux qui, contre toute vraisemblance,
le placent le plus haut, ne le font que de 4° siècles antérieur au
temps présent (i).
Les auteurs arméniens du moyen - âge s’accordent à peu près
avec quelqu’un des textes de la Genèse, lorsqu’ils font remonter le
déluge à 4916 ans; et l’on pourroit croire qu’ayant recueilli les
vieilles traditions, et peut-être extrait les vieilles chroniques de leur
pays, ils forment une autorité de plus en faveur de la nouveauté des
peuples ; mais quand on réfléchit que leur littérature historique ne
date que du cinquième siècle, et qu’ils ont connu Eusèbe, on comprend
qu’ils ont dû s’accommoder à sa chronologie et à celle de la
Bible. Moyse de Chorène fait profession expresse d’avoir suivi les
Grecs, et l’on voit que son histoire ancienne est calquée sur Ctésias (a).
Cependant il est certain que la tradition du déluge existoit en
Arménie bien avant la conversion deshabitàns au christianisme, et
la ville qui, selon Josephe, étoit appelée le lieu de la descente,
existe encore au pied du mont Ararat, et porte le nom de N a ch i-
dchevan, qui a en effet ce sens- là (3).
Nous en dirons des Arabes, des Persans, des Abyssins d’aujourd’hui,
autant que des Arméniens. Leurs anciens livres n’existent plus;
ils n’ont d’histoire que celle qu’ils se sont faite récemment, et qu’ils
ont modelée sur la Bible; ainsi ce qu’ils disent du déluge est emprunté
de la Genèse, et n’ajoute rien à l’autorité de ce livre.
Il étoit curieux de rechercher quelle étoit sur ce sujet l’opinion
des anciens Perses, avant qu’elle eût été modifiée par les
croyances chrétienne et mahométane; on la trouve consignée dans
leur Boundehesh, ou Cosmogonie, ouvrage du temps des Sassa-
nides, mais évidemment extrait ou traduit d’ouvrages plus anciens, 1
(1) Justin, lib. I , cap. I ; Velleius Paterculus, lib. I , cap. VII.
(2) Voyez Mo sis Chorenensis, Histor. armeniac., lib. I , cap. I.
(3) Voyez la préface des frères Winston, sur Moyse de Chorène, p. 4-