fait croire, lors de ma première édition, qu’il pouvoit y avoir des
mâchelières à huit pointes en bas, entre celles à six et celles à dix ;
mais l’observation m’a détrompé.
D’après cette différence des arrière-molaires supérieures et inférieures,
on voit quelles ont entre elles, dans le mastodonte, des*
rapports semblables à ceux que l’on observe dans l’hippopotame,
où la dernière molaire d’en bas est aussi un peu plus compliquée,
et a une pointe de plus que la derniere d en haut.
Mais, outre ces huit molaires qui restent dans l’adulte, il y en a
d’autres placées au-devant de celles-là dans les jeunes individus, et
qui tombent successivement.
La jeune mâchoire donnée à notre cabinet par M. Jefferson, et
représentée pl. III, fig. 3 et 4 , en est la preuve ; elle a, tout-à-fait en
arrière, un reste de grande cellule qui devoit contenir un germe
d’une grande molaire dont nous ignorons le nombre de pointes,
attendu qu’elle est perdue, mais qui étoit probablement cette molaire
à dix pointes que nous voyons dans les mâchoires adultes.
En avant de cette cellule est une dent sortie de l’alvéole, mais
qui ne l’étoit pas de la gencive, puisque ses collines sont encore
parfaitement intactes; il y en a six paires. En avant encore, est une
molaire aussi à six pointes, mais déjà un peu usée ; et tout-à-fait vers
le devant de la mâchoire, on voit des restes d’alvéole qui annoncent
qu’il étoit déjà tombé une dent.
Celle-ci étoit-elle aussi à six pointes, ou n’en avoit-elle que quatre ?
C’est ce qu’il ne sera possible de décider que lorsqu’on aura trouvé
des mâchoires encore plus jeunes que celle dont nous venons de
parler.
Ce qui est toujours constant, d’après cette jeune mâchoire, c’est
que le grand mastodonte avoit successivement au moins quatre molaires
à chaque côté de sa mâchoire inférieure; et comme il n’y a pas
de raison de croire qu’il ne s’en soit trouvé autant à la supérieure, on
doit penser qu’il en avoit au moins seize en tout.
Mais, comme dans K éléphant, ces dents ne sont jamais toutes
ensemble dans la bouche.
L eur succession se fait, comme dans l’éléphant, d’avant en
arrière. Quand celle de derrière commence à percer la gencive, celle
de devant est usée et prête à tomber. Elles se remplacent ainsi 1 une
après l’autre. Il ne paroît pas qu’il puisse y en avoir plus de deux
à la fois de chaque côté en plein exercice ; à la fin même il n’y en a
plus qu’une, comme dans Y éléphant. Dans la mâchoire inférieure
de la pl. IV , fig. 1 et 2, où la dent à dix pointes est déjà un peu
usée , on ne voit plus en avant qu’un reste d’alvéole à demi rempli.
Mais on voit encore une dent à six pointes et une à h u it, dans le
crâne de la pl. I I ; une dent à six pointas et une à dix, dans la
mâchoire inférieure de la pl. III, ng. 1 et 2.
Ainsi, le nombre e ffe c tif des mâchelières qui peuvent agir ensemble
est de huit dans la jeunesse, et de quatre seulement à la fin
de la vie.
Ce résultat diminue déjà beaucoup les idées que s’étoient faites de
la taille du mastodonte, ceux qui lui supposoient un nombre de
dents mâchelières approchant du nôtre, et qui les croyoient toutes
égales aux plus grandes. Buffon } par exemple, dit : « L a fo rm e
» carrée de ces énormes dents mâchelières prouve qu’elles étoient
» en nombre dans la mâchoire de Vanimal, e t quand on n y en
y> supposerait que six ou même quatre de chaque côté, on p eu t
» ju p er de l ’énormité d’une tête qui auroit au moins seize dents
» mâchelières pesant chacune d ix ou onze livres. » ( Epoques
de la nature, Note justif. 9. )
C’est d’après cette idée qu’il supposoit cet animal d’une grandeur
beaucoup supérieure à celle des plus grands éléphans; tandis que
nous ..verrons qu’il n’y a point encore de preuve qu’il ait atteint
12 pieds de hauteur, et que, selon Buffon lui-même, les éléphans
des Indes en ont quelquefois jusqu’à i 5 ou 16.
Entrons maintenant dans un plus grand détail à l’égard de ces
dents et de leurs variations.
Notre pl. I en représente, à demi-grandeur, quatre de différentes
sortes et en différens états.
Commençons par celles à six pointes.