S ten on , dans son traité de solido intra solidum contento. Cependant
un examen attentif des auteurs qui ont décrit la marche d’An-
nibal auroit dû faire revenir de cette erreur avant même que l’on
Z'Arno , marais en effet aussi affreux qu’aucuns de ceux de l’Italie, et dont il subsiste encore
une grande partie, non—seulement dans le delta de cette rivière et plus au nord vers la
Ligurie, mais dans tout le val d’Arno inférieur, notamment auprès de Fucecchio et jusqu’à
quelques lieues de Fiesole. •
Il ne reste donc plus qu’à savoir précisément où les Apennins furent passés.
Or, Cornelius-Nepos nous l’enseigne (Hannib., chap. IV). Per Ligures Apenninum transiit
petens Etruriam. Il passa les Apennins en Ligurie, se rendant en Etrurie ; et il ajoute que
c’est dans ce chemin qu’il perdit l’oeil.
Mais ce que Cornelius-Nepos etTite-Live nous apprennent, le bon sens nous l’auroit dit.
Ou étoit-il naturel qu’Annibal, après la bataille de la Trebbia, Annibal partant de
Plaisance, et ne voulant pas aller par le chemin commode, mais trop long et trop connu des
Romains, c’est-à-dire, par le chemin de Modène et de Bologne, où étoit-il naturel, disons-
nous , qu’il passât les Apennins? La réponse est simple: A l’endroit où il étoit, vers les
sources de la Trebbia et du Taro ; de là il devoit descendre vers celles de la Magra; il
devoit suivre, en un mot, le chemin de Pontremoli. C’est de là qu’il dut tomber dans les
marais de VArno, alors beaucoup plus étendus et moins contenus par des digues qu’ils ne le
sont aujourd’hui ; il dut remonter le val d’Arno jusque dans la région plus sèche, qui est au
pied de Fiesole et autour de Florence; de là remontant le val d’Arno supérieur, il passa
sous Arezzo en bravant Flaminius qu’il laissoit à sa gauche ; enfin il suivit le val de Chiane,
et alla l’attendre ou plutôt l’attirer au-delà de Cortone et près du lac Trasirnene, à l’endroit
où le chemin monte pour gagner Perugia.
Toute cette marche est si simple, elle coïncide tellement avec le témoignage des historiens
et la nature des lieux, que l’on a peine à s’expliquer comment on a pu en imaginer une autre ;
cependant c’est ce qui est arrivé. Les causes des erreurs ont été i°. la faute de rédaction ou
de copie que nous avons remarquée dans Tite-Live; 2.0. une erreur grave de Slrabon ; 3°. l’ignorance
où quelques auteurs ont été sur les variations qu’ont subies en divers temps les limites
entre la Ligurie et l’Ëtrurie.
Cluvier , Jtal. ant., 1 , 58o, reconnoît et démontre parfaitement qu’il faut mettre dans
Tite-Live (au lieu de Foesulaspetens) a Fcesulis profectus, et confirme comme moi cètte leçon
par la comparaison avec Polybe. Il avoit donc aperçu une partie de la vérité ; mais tout
d’un coup il imagine de faire venir Annibal à Fi,ç$ole par le chemin de Bologne, et d’accuser
d’erreur Cornelius-Nepos qui le fait venir par la Ligurie. Cet autre chemin, plus long, plus
connu et plus commode, il suppose que c’est celui de Rimini et de l’Ombrie; il ne voit pas
que celui de Bologne étoit tout aussi connu, et qu’entre Bologne et Fiesole il n’y auroit pas
eu de marais, car toute cette route est sur la montagne. Il crée de sa propre autorité des
marais auprès de Florence ; mais en venant par cette route Annibal lés eut trouvée non avant
mais après Fiesole, et leur traversée n’eût pas pu être longue.
Les mêmes objections ont lieu contre Cini, F illan i et Scala, qui font marcher Annibal
par Prato et Pisto'ia, c’est-à-dire, qui lui font traverser les Apennins au-dessus de Modène;
connût suffisamment les circonstances dans lesquelles ces os se rencontrent.
En effet, Annibal n’amena en Italie que éléphans
( Eutrop. brep. I I I , chap. F U I ) , et Polybe nous dit que le froid
ainsi que contre Luc Holstenius, qui le fait venir par Forli et le fait descendre en Toscane
par le Cazentin; et contre Guazzesi, qui le fait entrer par la meme province et par les
environs de Bagno.
A la vérité, la marche par le Cazentin permettroit de conserver la leçon de Tite-Live,
Loeva relieto hoste, Foesulas petens; mais cela même est pne objection contre cette opinion,^
puisque cette leçon est évidemment fausse par d’autres raisons, et que, de quelque cote
qu’Annibal fût venu , on ne peut admettre le motpetens ; d’ailleurs il n’auroit pas trouvé de
marais dans le Cazentin, l’Arno n’y en forme point, cette province est trop montagneuse.
Il y a de plus contre cette route et jusqu’à un certain point contre celle de Pistoia, une
objection tirée de l’art militaire. En prenant par là , non-seulement Annibal auroit allongé
sa marche et auroit été obligé de traverser une infinité de pays difficiles ; mais il se s.eroit
exposé à être pris en flanc ou à dos par Servilius qui étoit à Rimini, et qu aucun obstacle
n’auroit empêché d’atteindre les Carthaginois en peu de jours.
Ce qui a fait sans doute que ces divers auteurs n’ont pas imaginé de suite la route courte,
naturelle et correspondante entièrement aux passages de Polybe , et de Tite-Live et deNepos
que nous avons cités, c’est qu’Annibal étoit dit avoir traversé les marais en se rendant en
Etrurie. Ils ont conclu que ces marais dévoient être hors de l’Etrurie, et que ce ne pouvoient
par conséquent être les marais de l’Arno ; voilà pourquoi on les a cherchés en Lombardie et
auprès du Pô.
Il paraît que celte opinion étoit déjà celle deSlrabon, car il dit qu’;'/ jr droit autrefois
auprès de Plaisance, le long du P ô , des marais qui donnèrent beaucoup de peine à Annibal
lorsqu'il wjulut aller en Etrurie. ( Geogr., lil>. V, S", ^ 17 ■ ) ■ '
Guazzesi a été tellement prévenu pour cette idée, qu’il vouloit à toute force changer le
mot Arnus dans Tite-Live en celui d’Eridanus ou de Padus, ou même le supprimer tout-à-
fait, bien qu’il avouât que tous les manuscrits qu’il avoit examinés ou fait examiner portoient
Arnus. {Mém. de l’A cad. de Cortone, V I , p. 29 et 3o.) -
Mais la solution de la difficulté étoit dans Polybe même ; on voit, par son propre témoignage,
qu’à l’époque dontil parle, l’Etrurie ne commeneoit qu’àl’Arno ; Polybe dit positivement
que les Liguriens possédoient le pays jusqu’à Pise, première ville d’Etrurie vers l’occident
, et jusqu’au territoire des Arétins. Lucques, alors et long-temps depuis, fut une ville
de Ligurie; Frontin la qualifie expressément de ville ligurienne (lib. III, cap. X I), Domi-
tius calvinus obsidebat Lucam oppidum L^urum. César avoit Lucques sous «on commandement,
comme le dit Suétone (cap. XXIV), parce que ce commandement comprenoit la
Ligurie et non pas l’Etrurie.
Si donc l’on trouve ensuite dans Strabon et dans Pline, la Magra donnée pour limite
entre l’Étrurie et la Ligurie , on doit croire que c’étoit un résultat de la nouvelle division de
l’Italie faite par Auguste.
Cluvier a très-bien éclairci ces deux délimitations successives.
D’après cette observation on comprend que tant qu’Annibal restoit sur la rive droite de