grands monumens à Babylone, il ne la place que sept générations
avant Cyrus.
Hellanicus, contemporain d’Hérodote, loin de laisser rien construire
à Babylone par Sémiramis, attribue la fondation de cette ville
à Chaldceus, quatorzième successeur de Ninus (i).
B érose, babylonien et prêtre, qui écrivoit à peine 120 ans après
Hérodote, donne à Babylône une antiquité effrayante ; mais e’est à
N abuchodonosor, prince relativement très-moderne, qu’il en attribue
les monumens principaux (2).
Touchant Cyrus lui-même, ce prince si remarquable, et dont
1 histoire auroit dû être si célèbre, Hérodote, qui ne vivoit que
cent ans après lui, avoue qu’il existoit déjà trois sentimens différons,
et en effet, soixante ans plus tard, Xénophon nous donne de
ce prince une biographie toute opposée à celle d’Hérodote.
Ctésias, àpeuprès contemporain de Xénophon, prétend avoir tiré
des archives royales desMèdes, une chronologie qui recule déplus de
800 ans l’origine de la monarchie assyrienne, tout en laissant à la
tête de ses rois ce même N in u s, fils de B éh is, dont Hérodote avoit
fait un Héraolide; et en même temps il attribue à Ninus et à Sémiramis
des conquêtes vers l’occident d’une étendue absolument incompatible
avec l’histoire juive et égyptienne de ce temps-là (3).
Selon M égasthènes, c’est N abuchodonosor qui a fait ces conquêtes
incroyables. Il les a poussées par la Libye jusqu’en Espagne (4)-
On voit que, du temps d’Alexandre, Nabuchodonosor avoit tout-
à-fait usurpé la réputation que Sémiramis avoit eue du temps
d’Artaxerxès. Mais on pensera, sans doute, que Sémiramis, que
Nabuchodonosor avoient conquis l’Ethiopie et la Libye, à peu près
(1) Etienne de Byzance au mot Chaldoei.
(2) Josephe (contre Appien), lib. I , cap. X IX .
(3) Diod. Sic. , lib. II.
(4) Josephe contre Appien, lib. I , cap. V I ; et Strabon, lib. X V , p. 687.
comme les Egyptiens faisoient conquérir, par Sésostris ou par Osy-
mandias, l’Inde et la Bactriane.
Que seroit-ce si nous examinions maintenant les différens rapports
sur Sardanapale, dans lesquels un savant célèbre a cru trouver des
preuves de l’existence de trois princes de ce nom, toutes trois victimes
de malheurs semblables ( i) ; à peu près comme un autre
savant trouve aux Indes au moins trois Vicram aditjia, également
tous les trois héros d’aventures pareilles.
C’est apparemment d’après le peu de concordance de toutes ces
relations, que Strabon a cru pouvoir dire que l’autorité d’Hérodote
et de Ctésias est moindre que celle d’Hésiode ou d’Homère (a). Aussi
Ctésias n’a-t-il guère été plus heureux en copistes que Manéthon; et il
est bien difficile aujourd’hui d’accorder les extraits que nous en ont
donnés Diodore, Eusèbe et le Syncelle.
Lorsqu’on se trouvoit en- de pareilles incertitudes dans le cinquième
siècle avant J. C. , comment veut-on que Bérose ait pu
les éclaircir dans le troisième, et peut-on ajouter plus de foi aux
43o,ooo ans qu’il met avant le déluge, aux 35,ooo ans qu’il place
entre le déluge et Sémiramis, qu’aux registres de i 5o,ooo ans qu’il
se vante d’avoir consultés (3).
On parle d’ouvrages élevés en des provinces éloignées, et qui
portoient le nom de Sémiramis; on prétend aussi avoir vu en Asie
mineure, en Thrace, des colonnes érigées par Sésostris (4) ; mais
c’ est ainsi qu’en Perse aujourd’hui, les anciens monumens, peut- 1
(1) Voyez dans les Mém. d'e l’Ac. des Belles Lettres, t. V , le Mém. de Fréret, sur l’Bist.
des Assyriens.
(2) Strabon, lib. X I , p. 507.
(3) ' Syncelle, 38 et 3@.
(4) N. B. I] est très-remarquable qu’Hérodote ne dit avoir vu de monumens de Sésostris
qu’en Palestine, et ne parle de ceux d’Ionie que sur le rapport, d ’autrui, et en ajoutant que
Sésostris n’est pas nommé dans les inscriptions, et que ceux qui ont vu ces monumens les
attribuent àMemnon. Voyez Euterp., chap. CVI.
n