D’abord toutes mes déterminations d’espèces ont été faites sur
les os eux-mêmes, ou sur de bonnes figures ; il s’en faut au contraire
beaucoup que j’aie observé par moi-même tous les lieux
où ces os ont été découverts. Très-souvent j’ai été obligé de
m’en rapporter à des relations vagues, ambiguës, faites par des
personnes qui ne savoient pas bien elles-mêmes ce qu’il falloit observer
; plus souvent encore je n’ai point trouvé de renseignemens du
tout.
Secondement, il peut y avoir, à cet égard, infiniment plus d’équivoque
qu’à l’égard des os eux-mêmes. Le même terrain peut
paroître récent dans les endroits où il est superficiel, et ancien
dans ceux où il est recouvert par les bancs qui lui ont succédé; des
terrains anciens peuvent avoir été transportés par des inondations
partielles , et avoir couvert des os récens ; ils peuvent s:être
éboulés sur eux et les avoir envelojjpés , et mêlés avec les productions
de l’ancienne mer qu’ils recéloient auparavant ; des os anciens
peuvent avoir été lavés par les eaux, et ensuite repris par des
alluvions récentes ; enfin des os-récens peuvent être tombés? dans
les fentes ou lés cavernes d’anciens rochers, et y avoir été enveloppés
par des stalactites ou d’autres incrustations. 11 faudroit dans chaque
cas analyser et apprécier toutes ces Circonstances qui peuvent masquer
aux yeux la véritable origine des fossiles ; et rarement les personnes
qui ont recueilli des os, se sont-elles douté de cette nécessité,
d’où il résulte que les véritables caractères de leur gisement, ont
presque toujours été négligés ou méconnus.
En troisième lieu, il y a quelques espèces douteuses qui altéreront
plus ou moins la certitude des résultats aussi long-temps qu’on
ne sera pas arrivé à des distinctions nettes à leur égard; ainsi les
chevaux, les buffles, qu’on trouve avec les éléphans, n’ont point
encore dé caractères spécifiques particuliers; et les géologistes qui
ne voudront pas adopter mes différentes époques pour les os fossiles,
PRÉLIMINAIRE, LVII
pourront en tirer encore pendant bien des années un argument
d’autant plus commode, que c’est dans mon livre qu’ils le prendront.
Mais tout en. convenant que ces époques sont susceptibles de
quelques? objections, pour les personnes qui considéreront avec
légèreté quelque cas particulier, je n’en suis pas moins persuadé
que celles qui embrasseront l’ensemble des phénomènes, ne seront
point arrêtées par ces petites difficultés partielles, et reconnoîtront
avec moi qu’il y,a eu au moins une, et très-probablement deux
successions dans la classe des quadrupèdes avant celle qui peuple
aujourd’hui la surface de nos. contrées.
Ici je m’attends encore à une autre objection, et même on me
l’a déjà faite.
Pourquoi.les races actuelles, me dira-t-on , ne seroient-elles pas Les cspfece3
des modifications de ces races anciennes que l’on trouve parmi les per<lues ne sont
fossiles, modifications qui auroient été produites par les circons- | \
tances locales et le changement. de climat, et portées à , cette vantes,
extrême différence par la longue succession des années ?
Cette objection doit surtout paroître forte à ceux qui croient à
la possibilité indéfinie de l’altération des formes dans les corps
organisés, et qui pensent qu’avec des siècles et des habitudes
toutes les espèces pourroient se changer les unes dans les autres,
ou résulter d’une seule d’entre elles.
Cependant on peut leur répondre , dans leur propre système,
que si les espèces ont changé par degrés, on devroit trouver des
tra.ces.de ces modifications graduelles; qu’entre le palæotherium et
les .espèces d’aujourd’hui l’on devroit découvrir quelques formes
intermédiaires., et que jusqu’à présent cela n’est point arrivé.
Pourquoi les entrailles de la terre n’ont-elles point conservé les
monumens d’une.généahtgie.si. curieuse^,si ce n’est parce que les
espèces d’autrefois étoient aussi constantes que les nôtres, ou du
T. I. Y