P R EM IÈ R E S E C T IO N .
S u r l e g r a n d M a s t o d o n t e , i m p r o p r e m e n t n o m m é M am m o u th
P A R L E S A n GLOLS E T L E S HABITANTS D E S É T A T S - U N I S .
N o n - s e u l em e n t c’est ici le plus gros, le plus énorme en apparence
de tous les animaux fossiles, c’est encore le premier qui ait convaincu
les naturalistes qu’il pouvait y avoir dés espèces détruites : la
grosseur monstrueuse de ses dents màchelières, les tubérosités formidables
dont elles sont hérissées, ne pouvoient en effet manquer
d’attirer l’attention ; et il étoit bien aisé d‘e s’assurer qu’aucun des
grands animaux que nous connoissons n’en a die cette forme ni de
ce volume. Aussi, quoique Daubenton ait pensé pendant quelque
temps qu’une partie d’entre elles--p®u*aiewi>-appartenir à l hippopotame
( i ) , il ne tarda pas à revenir à une opinion meilleure, etBuflbn
déclara bientôt que « tout porte à croire que cette ancienne
» esp èce, qu’on doit regarder comme la première e t la p lus
y> grande de tous les animcuix terrestres, n ’a subsisté que dans
» les premiers temps, e t n ’est p o in t parvenue ju sq u ’à nous(d). »
Néanmoins, il n’étendit point son assertion au-delà dès grosses dents
postérieures, et continua de regarder les dents moyennes et à demi-
usées comme des dents d’hippopotame (3). R continua aussi à attribuer
à l’éléphant le gros fémur trouvé dans le même lieu que ces
dents, comme le lui avoit attribué Daubenton en 1762 (4), quoique
W illiam Hunter eût fait voir, dès 1767 (5), qu’il offroit, ainsi que
leS dents et la mâchoire inférieure, des différences sensibles avec ces
mêmes parties dans l’éléphant. 1
(1) B u t: rua., X I I , in-4”. , p. ? 3 , n". M CYI, MCVII, MCVIII et MCXIII,
(2) Epoques de la nature. (Note 9. )
(3) I d ., ib.
(4) Mém. de VAcad, des Sc. 1762.
C5) Trans. phil., t. L Y I I I , p. 42*
Ce dernier anatomiste étoit tombé de son côté dans une double
erreur qui a influé sur les dénominations impropres appliquées depuis
à cet animal.
Il avoit imaginé que le mammouth des habitans delà Sibérie, dont
il n’avoit jamais vu d’ossemens, étoit le même que l’animal-de
l’Amérique septentrionale (i) ; et quoiqu’il ait depuis été réfuté
par P a lla s, lequel démontra suffisamment, ainsi que nous l’avons
vu, que le mammouth est un véritable éléphant, les Anglois et les
habitans des États-Unis ont continué de détourner, comme W illiam
H unter, la signification de ce mot mammouth et de l’appliquer
à notre mastodonte : en quoi ils ont été suivis par presque tous
ceux qui ont parlé de ce dernier animal.
L ’autre erreur introduite par W^illiam H unter est que ce prétendu
mammouth devoit être, d’après la structure de ses dents ,
un carnivore (2) inconnu. Quoique Camper ait déjà rejeté cette
idée (3) , comme elle rendoit encore cet être en quelque sorte plus
merveilleux, elle a aussi été adoptée presque généralement, et a
procuré au mastodonte la dénomination àl éléphant carnivore qui
lui convient moins encore, s’il est possible, que celle de mammouth.
Depuis lors , les compilateurs ont sans cesse confondu le vrai
mammouth de Sibérie, qui est du genre de l’éléphant, avec ce
prétendu mammouth d’Amérique, et il en est résulté les récits les
plus embrouillés. C’est ce qui nous détermine aujourd’hui à proposer
pour l’animal fossile d’Amérique un nom générique nouveau qui
fasse disparoître ces fausses dénominations de mammouth et àl éléphant
carnivore, lesquelles ne peuvent donner que des idées contraires
à la réalité.
Cette mesure est d’autant plus convenable, que nous verrons
bientôt que, d’après les règles aujourd’hui généralement reçues en
zoologie, cet animal doit former un genre particulier qui comprend
plusieurs autres espèces.
(1) Trans. p h il., loc. cit. p. 38.
(2) Ibid., p. 4?*
(3) Nova act. Petrop., t. I , pi. II, p. 221.