Importance spéciale
des os fossiles
de quadrupèdes.
ont donc fourni en même temps ses principales lumières, lès seules
qui jusqu’ici aient été généralement reconnues.
Cette idée est ce qui nous a encouragé à nous en occuper;
mais, ce champ est immense : un seul homme pourroit àj peine en
effleurer une foible partie. Il falloit donc faire un choix, et nous
le fîmes bientôt. La classe de fossiles qui fait l’objet de cet ouvrage
nous attacha dès le premier abord, parce que nous vîmes qu’elle
est à la fois plus féconde en conséquences précises, et cependant
moins connue, et plus riche en nouveaux sujets de recherches (i).
Il est sensible en effet, que les ossemens de quadrupèdes peuvent
conduire, par plusieurs raisons, à des résultats plus rigoureux qu’aucune
autre dépouille de corps organisés.
Premièrement, ils caractérisent d’une manière plus nette les révolutions
qui les ont affectés. Des coquilles annoncent bien que la mer
existoit où elles se sont formées; mais leurs changemens d’espèces
pourroient à la rigueur provenir de changemens légers dans la nature,
ou seulement dans la température du liquide. Ils pourroient encore
avoir tenu à d’autres causes accidentelles. Rien ne nous assure que,
dans le fond de la mer, certaines espèces, certains.genres même,
après avoir occupé plus ou moins long-temps des espaces déterminés,
n’aient pu être chassés par d’autres. Ici, au contraire, tout est précis ;
l’apparition des os de quadrupèdes, surtout celle de leurs.- cadavres
entiers dans les couches, annonce-, ou que la couche même qui les
porte étoit autrefois à sec, ou qu’il, s’étoit au moins formé une terre
sèche dans le voisinage. Leur disparition rend certain que cette
couche avoit été mondée, ou que cette terre sèche avoit cessé
d’exister. C’est donc par eux que nous apprenons, d’une manière •
• (i) Cet ouvrage montre en effet à quel point'cette matière étoit encore neuve , malgré les
excellens travaux des Camper , des Pallas , des Blumenbach des Merk , des Soemmerring r
.des Rosenmüller, des Fischér, des Faujas, des Home , et des autres savans dont j’ai eu le
plus grand soin de citer les ouvrages dans ceux de mes Chapitres auxquels ils se rapportent.
assurée, le fait important desirruptions répétées de la mer, dont les
fossiles et autres produits;marins à eux seuls ne nous,auraient pas
instruits; et c’est par,leur étude approfondie que nous pouvons
espérer de reconnoître le nombre et les époques de ces irruptions.
Secondement, la nature des révolutions qui ont altéré la surface
du globe a dû exercer sur les quadrupèdes terrestres une action plus
complète que sur les animaux marins. Comme ces révolutions ont,
en grande partie, consisté en déplacemens du lit de la mer, et que les
eaux dévoient détruire tous les quadrupèdes quelles atteignoient, si
leur irruption a été générale, elle a pu faire périr la classe entière,
ou, si elle n’a porté à la fois que sur certains, continens, elle a pu
anéantir au moins les espèces propres à ces continens, sans avoir la
même influence sur les animaux marins. Au contraire, des millions
d’individus aquatiques ont pu être laissés à sec, ou ensevelis sous des
couches nouvelles, ou jetés avec violence à la côte, et leur race être
cependant conservée dans quelques lieux plus paisibles, d’où elle se
sera de nouveau propagée.après que l’agitation des mers aura cessé.
Troisièmement, cette action plus complète est aussi plus facile à
saisir ; il est plus,aisé d’en démontrer les effets, parce que le nombre
des quadrupèdes étant borné, la plupart de leurs espèces, au moins
les. grandes, étant connues, on a plus de moyens de s’assurer si des
os fossiles appartiennent à l’une d’elles, ou s’ils viennent d’une
espèce perdue. Comme nous sommes, au contraire, fort loin de con-
noître tous les coquillages et tous les poissons de la mer ; comme nous
ignorons probablement encore la plus grande partie de ceux qui
vivent dans la profondeur, il est impossible de savoir avec certitude
si une espèce que l’on trouve fossile n’existe pas quelque part vivante.
Aussi voyons-nous des savans s’opiniâtrer à donner, le nom de coquilles
pélagiennes, c’est-à-dire, de, coquilles de la haute mer, aux
bélemnites, aux,cornes d’aromon,étaux autres dépouilles testacées
qui n’ont encore été vues que dans les couches anciennes, voulant dire