encore assez chaudes pour eux, et comme si les côtes de l'isthme de
Panama n’avoient pas été assez larges pour leur ouvrir un passage.
Au reste, les faits sur lesquels Buffon appuyoit son hypothèse
n’étoient pas même entièrement exacts. Les os qu on avoit découverts
de son temps n’étoient point de l’éléphant ; ils appartenoient à
un autre animal, celui que bous désignerons par le nom de mastodonte,
et que l'on eonnoît aussi sous celui (Yanimal (le l Ohio.
Mais on a aujourd’hui certainement des os d’ éléphans proprement
dits ; plusieurs auteurs récens en font foi.
On reconnoît une vraie màchelière d’éléphant Ires-bien représentée
dans une planche de l’ouvrage de J . Drayton sur la Caroline
du Sud (i) : elle avoit été trouvée avec d’autres, .en 1794 j Par
eolonel S e r f, dans le maraisde Biggin, près de l’origine de la branche
occidentale de la rivière de Cuivre, à huit ou neuf pieds sous terre.
M. Georges Turner a lu en 1797 , à la "Société américaine de P h iladelphie
, un Mémoire destiné à prouver qu’outre l’animal de 1 Ohio
ordinaire à dents mammek«mées,ilse trouve dans les anciens dépôts
un autre animal à dents rayées transversalement, c’est-à-dire , un
véritable éléphant.
Catesby parle déjà de véritables dents d’éléphans fossiles en ce
pays-là. « E n un lieu de Caroline (dit-il ) , nommé Ston o, fu ren t
s> déterrées trois ou quatre dents d u n grand animal que tous les
» nègres, natifs d’A fr iq u e , reconnurent pour des molaires d é lé -
» p h a n t, e t j e crois aussi qu elles en éta ien t, en ayant vu q u el-
» ques-unes de pareilles rapportées d A fr iq u e (2). n
M. B arton , qui m’a indiqué ce passage, remarque avec raison
qu’il ne faut pas en inférer que ce fussent précisément des dents
semblables h celles d’Afrique., mais seulement des dents d’éléphans
en général ( je veux dire des dents composées de lames,). En effet,
(i> View o f South Carolina as respects her natural and oiv.il concerns. M. Mitcbill cite
aussi cet ouvrage dans ses notes sur la trad, angl. de mon Discours préliminaire , edition de
New-YorcV, 1818 ,.p. 4* 02*
(2) Catesb. , Carol. I I , a p ., p. VII.
on ne peut suppôser que Catesby et ses nègres fussent en état de
distinguer les espèces de ce genre, à une époque où aucun naturaliste
ne les distinguoit encore,
M. Barton lui-même a vü une molaire de véritable éléphant, tiree
d’une branche de la rivière de SusqUeanna, avec une portion de
défense longue de six pieds ét dé trénte-un pouces de tour, qui au-
roit eu an moins dix pieds de long si elle eût été entière ; et ce qui
est remarquable, c’est que les sauvages Délawares nomment cette
branche ChemUng ou Hvièfe de là. Corne (1).
C’est d’après ces faits que M, Barton écrivoit à M. de Lacépède :
<( On a trouvé, èfi différons endroits de l ’Amérique septentrio-
» n ote, dés squelettes ou dès os d’un grand animal plus ou moins
» voisin de Véléphant; f en a i reconnu des molaires d’une espèce
» q u i, si elle r ié to it pds absolument la même que V, éléphant
» d’A s ie , lu i ressemblait du moins beaucoup p lus par la forme
» de ses molaires, que ne f a i t le Mammoth (2). » ( I l entend le
Mastodonte,);
C’est surtout l’état de K eh tuck ey, le long des bords de XOhio,
qui recèle beaucoup d’ôssemtens fossiles dans les endroits nommes
.tuiles, parce que les animaux sauvages aiment à s’y rendre pour s’y
régaler des eaux saumâtres qui y jaillissent.
Le plus célèbre de ces-endroits, pour l’immense amas d’os qui s’y
trouve, et dont nous reparlerons au chapitre des mastodontes, est
connu des géographes sous le nom de B ikrbon e-lick, Il fut examiné
à fond, en 1807 , par le gouverneur C la rke, à son retour de la
grande expédition qu’il avoit faite, en 1806, vers l’Océan-pacifique,
et à la prière de M. Jefferson, qui. était alors président des Etats-
Unis,
Les ossemens, que M. Clarke recueillit en grand nombre, furent
apportés avec soin à W ashington, où ils arrivèrent en mars 1808.
(1) Extrait d’une lettre de M. Schmidt Barton à M. Cuvier.
(2) Lettre de M. Barton à M. de Lacépède , imprimée dans.le Philosoplücdl Magazine de
Tilloch, n°. L X X X V I , juillet i 8o5 , p. 98’.