On trouve ses os en grand nombre, dans beaucoup de pays, mais
mieux conservés dans le nord qu’ailleurs.
Il ressembloit à l’espèce des Indes plus qu’à celle d’Afrique.
Il différoit néanmoins de la première par les mâchelières, par les
formes de la mâchoire inférieure et de beaucoup d’autres os, mais
surtout par la longueur des alvéoles de ses défenses.
Ce dernier caractère devoit modifier singulièrement la figure et
l’organisation de sa trompe, et lui donner une physionomie beaucoup
plus différente de celle de l’espèce des Indes, qu’on n’auroit du s y
attendre d’après la ressemblance du reste de leurs os.
Il paroît que ses défenses étoient généralement grandes, souvent
plus ou moins arquées en spirale, et dirigées en dehors. Il n y a
point de preuve qu’elles aient beaucoup différé selon les sexes ou
les races.
La taille n’étoit pas beaucoup au-dessus de celle à laquelle l’espèce
des Indes peut atteindre : il paroît avoir eu des formes en général
encore plus trapues.
Il est déjà manifeste par ses débris osseuxS que c’étoit une espèce
plus différente de celle dés Indes, que l’âne ne l’est du cheval, ou
le chacal et l’isatis du loup et du renard.
On ne sait point quelle étoit la grandeur de ses oreilles, ni la couleur
de sa peau ; mais on est certain qu’au moins une partie des
individus portoient deux sortes de poils; savoir: une laine rousse,
grossière et touffue, et des crins roides et noirs, qui sur le cou et
l’épine du dos devenoient assez lohgs pour former une sorte de crinière.
Ainsi non-seulement il n’y a rien d’impossible à ce quelle ait
pu supporter un climat qui feroit périr celle des Indes, il est même
probable quelle étoit constituée de manière à préférer les climats
froids.
Ses os se trouvent pour l’ordinaire dans les couches meubles et
superficielles de la terre, et le plus souvent dans les terrains d’al-
luvion qui remplissent le fond des vallées ou qui bordent les lits des
rivières.
Us n’y sont presque jamais seuls, mais pêle-mêle avec les os
d’autres quadrupèdes de genres connus, comme rhinocéros,boeufs,
antilopes, chevaux, et souvent avec des débris d’animaux marins,
tels que coquillages ou autres, dont une partie se sont meme attachés
dessus.
Le témoignage positif de Pallas, celui de Fortis et de beaucoup
d’autres ne permet pas de douter que cette dernière circonstance n’ait
souvent lieu, quoiqu’elle ne s’observe pas toujours. Nous avons nous-
mêmes en ce moment sous les yeux une portion de mâchoire chargée
de millépores et de petites huîtres.
Les couches qui recouvrent, les os d’éléphans ne sont pas d une
très-grande épaisseur ; presque jamais elles ne. sont d’une nature
pierreuse. Ils sont rarement pétrifiés, et l’on ne cite qu’un ou deux
exemples où il y en ait eu d incrustes dans de la pierre, coquilliere
ou autre ; souvent ils sont simplement accompagnés de nos
coquilles communes d’eau douce ; la ressemblance, à ce dernier
égard, ainsi qu’à l’égard de la nature du sol, des trois endroits
dont on a les relations les plus détaillées, savoir : Tonna-, Cantstadt
et la fo r ê t de B on d i, est même très-remarquable. Tout paroît donc
annoncer que la cause qui les a enfouis est 1 une des plus récentes qui
aient contribué à changer la surface du globe.
C’est néanmoins une cause physique et générale : les ossemens
d'éléphans fo s sile s sont eu trop grand nombre, et il y en a dans
trop de contrées désertes et même inhabitables , pour que l’on
puisse soupçonner que ces animaux y aient été conduits par les
hommes.
Les couches qui les contiennent et celles qui sont au-dessus d’eux
montrent que cette cause étoit aqueuse, on que ce sont les eaux
qui les ont recouverts, et dans beaucoup d’endroits ces eaux étoient
à peu près les mêmes que celles dé la mer d’aujourd’hui, puisqu’elles
nourrissoient des êtres à peu près semblables.
Mais ce ne sont pas ces eaux qni lès ont transportés où ils sont. Il y
a de ces ossemens à peu près dans toutes les contrées que les naturalistes
ont parcourues. Une irruption de la mer qui les auroit ap-
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