Une chose également assez digne de remarque, c’est que dans ces
listes de rois, toutes sèches, toutes peu historiques qu’elles sont,
les Indiens placent le commencement de leurs souverains humains
(ceux de la race du so le il e t de la lun e) , à une époque qui est
à peu près la même que celle où Ctésias, dans une liste entièrement
de la même nature, fait commencer ses rois d’A ssyrie (environ
4,000 ans avant le temps présent) (i).
Cet état déplorable desconnoissances historiques, devoit être celui
d’un peuple, oùles prêtres héréditaires d’un culte, monstrueux dans ses
formes extérieures et cruel dans beaucoup de ses préceptes, avoient
seuls le privilège décrire, de conserver et d’expliquer les livres;
quelque légende faite pour mettre en vogue un lieu de pèlerinage ,
des inventions propres à graver plus profondément le respect pour leur
caste , dévoient les intéresser plus que toutes les vérités historiques ;
parmi les sciences, ils pouvoient cultiver l’astronomie, qui leur
donnoitdu crédit comme astrologues; la mécanique, qui les aidait
à élever les monumens, signes de leur puissance et objets,de la vénération
superstitieuse des peuples ; la géométrie, base de l’astronomie,
comme de la mécanique, et auxiliaire important de l’agriculture
dans ces vastes plaines d’alluvion qui ne pouvoient être assainies
et rendues fertiles qu’à l’aide de nombreux canaux ; ils pouvoient
encourager les arts mécaniques ou chimiques qui alimentoient leur
commerce, et contribuoient à leur luxe et à celui de leurs temples;
mais ils dévoient redouter l’histoire qui éclaire les hommes sur leurs
rapports mutuels.
avec-lesvautrès légendes de cette partie dü culte grec qui étoit venue par le Nord et qui avoit
précédé les colons égyptiens et phéniciens; mais, s’il est vrai que les constellations de la
sphère indienne ont aussi des noms de personnages grecs, qu’on y voit Andromède sous le
nom d'Antarmadia, Cephée sous celui de Capiià, etc., on sera, peut-être , tenté d’en tirer
avec M. W ilfo r t , une conclusion entièrement inverse.
(r) Bentley, Mém. de Calcutta, t. Y II I , p. 226 de l’éd. in-8°., note.
Ce que nous voyons aux Indes, nous devons donc nous attendre
à le retrouver partout où des races sacerdotales, constituées comme'
celle des Bramines, établies dans des pays semblables, s’arrogeoient
le même empire sur la masse du peuple. Les mêmes causes amènent
les mêmes résultats; et en effet, pour peu que l’on réfléchisse sur
les fragmens qui nous restent des traditions égyptiennes et chal-
déennes, on s’aperçoit qü’elles n’étdient pâs plus historiques que
celles des Indiens.
Pour juger de la nature des chroniques que les prêtres égyptiens
prétendoient posséder, il suffit de rappeler les extraits qu’ils en
ont donnés eux - mêmes en différons temps, et à des personnes
différentes.
Ceux de S a is, par exemple, disoient à SolOn, environ 55o ans
avant J. C., que l’Egypte n’étant point sujette aux déluges, ils
avoient conservé, non-seulement leurs propres annales, mais celles
des autres peuples; que la ville d'A thèn es et celle de Sais avoient
été construites par Minerve; la première depuis 9000 ans, la seconde
seulement depuis 8000 ; et à ces dates ils ajontoient les fables si
connues sur les Atlantes, sur la résistance que les anciens Athéniens
opposèrent à leurs conquêtes, ainsi que toute la description romanesque
de l’Atlantide (1); description où se trouvent des faits
et des généalogies semblables à celles de tous les romans mythologiques.
Un siècle plus tard, vers 4^0, les prêtres de Memphis firent à
Hérodote des récits tout difféfens (a). M enés, premier roi d’Egypte,
avoit construit selon eux M emphis, et renfermé le Nil dans des
digues, comme si de pareilles opérations étoient possibles au premier
roi d’un pays. Depuis lors ils avoient eu 33o autres rois jusqu’à 1
(1) Voyez le Timée et le Critias de Platon.
(2) Euterpe, chap. XGIXetsuiv.
m*