phéniciens, qui apportèrent en Grèce les premiers germes de civilisation
; on y voit que vers le même siècle où la peuplade israé-
lite sortit d'Egypte, pour porter en Palestine le dogme sublime de
l’unité de Dieu, d’autres colons sortirent du même pays pour porter
en Grèce une religion plus grossière, au moins à l’extérieur,
quelles que fussent d’ailleurs les doctrines secrètes qu’elle réservoit
à ses initiés; tandis que d’autres encore venoient de Phénicie et
donnoient aux Grecs l’art d’écrire, et tout ce qui a rapport à la
navigation et au commerce (i ),
11 s’en faut sans doute de beaucoup que l’on ait eu depuis lors une
histoire suivie, puisque l’on place encore long-temps après ces fonda-
teursde colonies,une foule d’événemens mythologiques et d’aventures
où des dieux et des héros interviennent, et qu’on ne lie ces chefs
à l’histoire véritable que par des généalogies évidemment factices (a) ;
mais ce qui est bien plus certain encore, c’est que tout ce qui avoit
précédé leur arrivée, ne pouvoit s’être conservé que dans des souvenirs
très-confus, et n’auroit pu être suppléé que par de pures
■ \i) On sait que les chronologîstes varient de plusieurs années sur chacun de tes évene-
mens ; mais ces migrations n’en forment pas moins toutes ensemble le caractère spécial et
bien remarquable du X Y e. et du X V I e. siècle ayant J .-C.
A in s i, ensuivant seulement les calculs d’ Usserius , Ceerôps seroit Véftu d’Egypte à
Athènes vers i 556 avant J .-C. ; Deuealion se sérail établi sur le Parnasse vers i 54« ; Cadmus
seroit arrivé de Phénicie à Thèbes vers i4g3 ; Danaüs seroit venu à Argos vers i485; Dar-
daiius se.serdit établi sur l’Hellespont ve'rs ï 449*
Tous ces chefs de nations auroient été à peu près contemporains de M oïse, dont l’émigration
est de i 4g i • Voyez d’ailleurs sur le synchronisme de Moïse, de Danaüs et de Cadmus,
TDïoâore, lib. X I ; dans Photius, pag. i i 5a.
(ai) Tout le monde cbntfoît les généalogies d’Apollddore , et le parti que feu Clavier a
cherché.à en tirer pour rétablir une sorte d’histoire primitive de la Grèce ; mais lorsqu’on
connoît les généalogies des Arabes, celles des ïa ta r e s , et toutes ceîles que nos vieux moines
chroniqueurs avaient imaginées pour les différent souverains de l ’Europe et même pour des
particuliers, on comprend très-bien que des écrivains grecs ont dû faire pour les premiers
temps de leur naliou, ce qu’on a fait pour toutes fes autres à des époques où la critiqué
n’éclairoit pas l’histoire.
inventions, pareilles à celles de nos moines du moyen âge sur les
origines des peuples de l’Europe.
Ainsi, non-seulement on ne doit pas s’étonner quil y ait en dans
l’antiquité même beaucoup de doutes et de contradictions sur les
époques de Céetfops, de D euea lion , de Cadmus et de Danaüs ,
lion-seulement il seroit puéril d’attacher la moindre importance à
une opinion quelconque sur les dates précises A'Inao/tus (i):ou
d’Ogygès (2); mais si quelque chose peut surprendre, c’est que
ces personnages n’aient pas été placés infiniment plus haut. Il est impossible
qu’il n’y ait pas eu là quelque effet de l’ascendant des traditions
reçues auquel les inventeurs de fables n’ont pu se soustraire :
une des dates assignées au déluge d’Ogygès s’accorde même tellement
avec l’une de celles qui ont été attribuées au déluge de N o é,
qu’il est presque impossible qu’elle n’ ait pas été prise dans quelque
source où c’était de ce dernier déluge qu’on entendoit parler (3).
Quant à D euea lion , soit que l’on regarde ce prinee comme un
personnage réel ou fictif, pour peu que l’on suive la manière dont
son déluge a été introduit dans les poèmes des Grecs et les divers
détails dont il s’est trouvé sucessîvement enrichi, il devient sensiblè
que ce n’étoit qu’une tradition du grand eataclisme, altérée et placée
par les Hellènes à l’époque où ils plaçoient aussi Deuealion, parce * 27
1(1) 1856 ou 1823 avant J .-G ., ou d’autres dates encore , mais toujours environ 35o ans
avant les principaux colons phéniciens ou égyptiens.
(2) La date vulgaire d’Ogygès, d’après Acusilaüs, suivi par Èusèbe, est de 1796 ans avant
J .-C ., par Conséquent plusieurs années après Inachus.
’(3) la r ro n plaçoit le déluge d’Ogpges, qu’il appelle \epremier déluge, à t\oo ans avant
ïnaebus, et par conséquent à -1600 ans avant la première olympiade ; :ce qui le porteroit à
2876 ans avant J .—C. , et le déluge de Noé, selon le texte hebreu , est de 2849 : ce n es^ cTue
27 ans de différence. Ce témoignage de la r ro n est rapporté par Censorm, de Die hatali,
cap. X X I . A la vérité Çensorin n’écrivoit squ’en a38 de J .-C ., et il paroît d’après Jades
Africain, ap. Euseb., Præp. C V , qu ’Acusiïaüs, ’lepremier auteur qui plaçoit un déluge sous le
règne d’Ogygès , faisoit ce prince contemporain de Fhoronée , ce qui l’aurait beaucoup rapproché
de la première olympiade. Jiiles Africain ne met què 1020 ans d’inlerval'le entre les
deux époques.
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