portés seulement des lieux que Xéléphant des Indes habite maintenant,
n’auroit pu les répandre aussi loin, ni les disperser aussi également.
D ’ailleurs l’inondation qui les a enfouis ne s’est point élevée au-
dessus des grandes chaînes de montagnes , puisque les couches
qu’elle a déposées et qui recouvrent les ossemens ne se trouvent
que dans des plaines peu élevées. On ne voit donc point comment
les cadavres d’éléphans auroient pu être transportés dans le nord,
par-dessus les montagnes du T hïbet et les chaînes des A lta ï et des
Ourals.
De plus ces OS ne sont point roulés : ils conservent leurs arêtes,
leurs apophyses ; ils n’ont point été usés par le frottement ; très-
souvent les épiphyses de ceux qui n’avoient point encore pris leur
accroissement complet, y tiennent encore, quoique le moindre effort
suffise pour les détacher: les seules altérations que l’on y remarque
viennent de la décomposition qu’ils ont subie par leur séjour dans
la terre.
On ne peut pas se représenter non plus que les cadavres entiers
aient été transportés violemment. A la vérité, dans ce cas, les os
seroient restés intacts ; mais ils seroient aussi restés rassemblés et ne
seroient pas épars.
Les coquilles, les millépores et les autres productions marines qui
se sont fixées sur quelques uns de ces os, prouvent d’ailleurs qu’ils
sont restés au moins quelque temps déjà dépouillés et séparés au fond
du liquide qui les recouvroit.
Les os d’éléphans étoient donc déjà dans les lieux où où les
trouve, lorsque le liquide est venu les recouvrir. Ils y étoient épars
comme peuvent l’être dans notre pays les os des chevaux et des
autres animaux qui l’habitent, et dont les cadavres sont répandus
dans les champs.
. Tout rend donc extrêmement probable que les éléphans qui ont
fourni les os fossiles habitoient et vivoient dans les pays où l’on trouve
aujourd’hui leurs ossemens.
Ils n’ont donc pu y disparoître que par une révolution qui a fait
périr tous les individus existans alors, ou par un changement de
climat qui les a empêché de s’y propager.
Mais quelle qu’ait été cette cause', elle a du etre subite.
Les os et l’ivoire, si parfaitement conservés dans les plaines de la
Sibérie, ne le sont que par le froid qui les y congèle, ou qui en
général arrête l’açtion des élémens sur eux. Si ce froid n’étoit
arrive que par degrés et avec lenteur, ces ossemens, et à plus forte
raison les parties molles dont ils sont encore quelquefois enveloppés,
auroient eu le temps de se décomposer comme ceux que l’on trouve
dans les pays chauds et tempérés.
Il auroit été surtout bien impossible qu’un cadavre tout entier,
tel que celui que M. Adams a découvert, eût conservé ses chairs et
sa peau sans corruption, s’il n’avoit été enveloppé immédiatement
par les glaces qui nous l’ont conservé.
Ainsi toutes les hypothèses d’un refroidissement graduel de la
terre ou d’une variation lente, soit dans l’inclinaison, soit dans la
position de l’axe du globe, tombent d’elles-mêmes.
Si les éléphans actuels des Indes étoient les descendans de ces
anciens éléphans qui se seroient réfugiés dans leur climat d’aujourd’hui
, lors de la catastrophe qui les détruisit dans les autres, il seroit
impossible d’expliquer pourquoi leur espèce a été détruite en Amérique,
où l’on trouve encore des débris qui prouvent qu’ils y ont
existé autrefois. Le vaste empire du M exique leur offroit assez de
hauteurs pour échapper à une inondation aussi peu élevée que celle
qu’il faudroit supposer, et le climat y est plus chaud qu’il ne faut
pour leur tempérament.
Les divers mastodontes, X hippopotame et le rhinocéros fo s s ile
vivoient dans les mêmes pays, dans les mêmes cantons que les éléphans
fo s s ile s , puisqu’on trouve leurs os dans les mêmes couches
et dans le même état. On ne peut pas imaginer une cause qui auroit
fait périr les uns en épargnant les autres. Cependant ces premiers
animaux n’existent bien certainement plus, et il ne peut y avoir à
leur égard aucune contestation, ainsi que nous le montrons à leurs
chapitres.