marque non-seulement une constance spécifique, si l’on peut s’exprimer
ainsi, entre telle forme de tel organe, et telle autre forme
d’un organe différent; mais l’on aperçoit aussi une constance classique
et une gradation correspondante dans le développement de ces
deux organes, qui montrent, presque aussi bien qu’un raisonnement
effectif, leur influence mutuelle.
Par exemple, le système dentaire des animaux à sabots, non ru-
minans, est en général plus parfait que celui des animaux à pieds
fourchus ou ruminans, parce que les premiers ont des incisives ou
des canines, et presque toujours des unes et des autres aux deux
mâchoires; et la structure de leur pied est en général plus compliquée,
parce qu’ils ont plus de doigts , ou des ongles qui enveloppent
moins les phalanges, ou plus d’os distincts au métacarpe et au métatarse,
ou des os du tarse plus nombreux, ou un péroné plus distinct
du tibia, ou bien enfin parce qu’ils réunissent souvent toutes ces circonstances.
Il est impossible de donner des raisons de ces rapports;
mais ce qui prouve qu’ils ne sont point l’effet du hasard, c’est que
toutes les fois qu’un pied fourchu montre dans l’arrangement de ses
dents quelque tendance à se rapprocher des animaux dont nous
parlons, il montre aussi une tendance semblable dans l’arrangement
de ses pieds. Ainsi les chameaux qui ont des canines, et même deux
ou quatre incisives à la mâchoire supérieure, ont un os de plus au
tarse, parce que leur scaphoïde n’est pas soudé au cuboïde; et des
ongles très-petits avec des phalanges onguéales correspondantes.
Les chevrotains-, dont les canines sont très-développées, ont un
péroné distinct tout le long de leur tibia, tandis que les autres pieds
fourchus n’ont pour tout péroné qu’un petit os articulé au bas du
tibia. Il y a donc une harmonie constante entre deux organes en apparence
fort étrangers l’un à l’autre; et les gradations de leurs
formes se correspondent sans interruption, même dans les cas où
nous ne pouvons rendre raison de leurs rapports.
Or, en adoptant ainsi la méthode de l’observation comme un moyen
supplémentaire quand la théorie nous abandonne, on arrive à des
détails faits pour étonner. La moindre facette d’os, la moindre apophyse
a un caractère déterminé, relatif à la classe, à l’ordre, au
genre et à l’espèce auxquels elle appartient, au point que toutes les
fois que l’on a seulement une extrémité d’os bien conservée, on
peut, avec de l’application et en s’aidant avec un peu d’adresse de
l’analogie et de la comparaison effective, déterminer toutes ces
choses aussi sûrement que si f on possèdent 1 animal entier. J ai fait
bien des fois l’expérience de, cette méthode sur des portions d animaux
connus, avant d’y mettre entièrement ma confiance pour les
fossiles; mais elle a toujours eu des succès si infaillibles, que je
n’ai plus aucun doute sur la. certitude des résultats quelle m’a
donnés.
Il est vrai que j’ai joui de tous; les secours qui pouvoient m’être
nécessaires ; et que ma position heureuse, et une recherche assidue
pendant près de vingt-cinq ans, m’ont procuré des, squelettes de tous
les genres et sous-genres de quadrupèdes, et même.de beaucoup
d’espèces dans certains genres, et de plusieurs individus dans quelques
espèces. Avec de tels moyens il m’a été aisé de multiplier mes comparaisons,
et de vérifier dans tous leurs détails les applications que je
faisois de mes lois.
Nous ne pouvons traiter plus au long de cette méthode, et nous
sommes obligés de renvoyer à la grande anatomie comparée que
nous f e r o n s bientôt paroître, et ou l’on en trouvera toutes les règles.
Cependant un lecteur intelligent pourra déjà en abstraire un grand
nombre du présent ouvrage, s’il prend la peine de suivre toutes les
applications que nous y en avons faites. II verra que c’est par cette
méthode seule que nous nous sommes dirigés,, et qu’elle nous a
presque toujours suffi pour rapporter chaque os à son; espèce, quand
il étoit d’une espèce vivante; à, son genre,,quand il étoit d’une
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