les variations dont le type de chaque espèce est susceptible , et en
tire des produits que les espèces, livrées à elles-mêmes, n’auroient jamais
donnés.
Ici le degré des variations est encore proportionné à l’intensité de
leur cause, qui est l’esclavage.
Il n’est pas très-élevé dans les espèces demi-domestiques, comme le
chat. Des poils plus doux, des couleurs plus vives, une taille plus ou
moins forte, voilà tout ce qu’il éprouve ; mais le squelette d’un chat
d’Angora ne diffère en rien de constant de celui d’un chat sauvage.
Dans les herbivores domestiques, que nous transportons en toutes
sortes de climats, que nous assujétissons à toutes sortes de régimes,
auxquels nous mesurons diversement le travail et la nourriture,
nous obtenons des variations plus grandes, mais encore toutes superficielles
: plus ou moins de taille; des cornes plus ou moins
longues, qui manquent quelquefois entièrement ; une loupe de
graisse plus ou moins forte sur les épaules, forment les différences
des boeufs, et ces différences se conservent long-temps
même dans les races transportées hors du pays où elles se sont formées,
quand on a soin d’en empêcher le croisement.
De cette nature sont aussi les innombrables variétés des moutons,
qui portent principalement sur la laine, parce que c’est l’objet auquel
l’homme a donné le plus d’attention. Elles sont un peu moindres,
quoique encore très-sensibles dans les chevaux.
En général les formes des os varient p eu, leurs connexions,
leurs articulations, la forme des grandes dents molaires ne varient
jamais.
Le peu de développement des défenses dans le cochon domestique,
la soudure de ses ongles dans quelques unes de ses races, sont
l’extrême des différences que nous avons produites dans les herbivores
domestiques.
Les effets les plus marqués de l’influence de l’homme se montrent
Sur l’animal dont l’homme a fait le plus complètement la co n q u ê te ,
sur le chien, cette espèce qui semble tellement d é v ou é e à la n ô tr e ,
que les individus mêmes semblent nous avoir sacrifie leur m o i, leur
in té r ê t, leur sentiment propre. Transportés par les hommes dans
to u t l’u n iv e r s , soumis à toutes les causes capables d’influer sur
leu r dév e lopp emen t, assortis dans leurs unions au gré de leurs
m aîtres , les chiens varient p our la c o u le u r , p ou r l’abondance du
p o il , qu’ils perdent même quelquefois entièrement ; p ou r sa na tu re ;
pour la taille qui p eut différer comme un à cinq dans les dimensions
linéaires , ce qui fait plus d u centuple de la masse ; p ou r la forme
des o re ille s , d u n e z , de la qu eu e ; p o u r lah a u teu r relative des jambes ;
pour le développement p rog res sif du ce rveau dans les variétés d o mestiques
, d ’o ù résulte la forme même de leur t ê t e , tantô t g r ê le ,
à museau e ffilé , à front p la t ; tantô t à museau c o u r t , à front
b om b é : au point que les différences apparentes d’un mâtin et
d’un b a rb e t , d’ un lév rier et d’un d o gu in , sont plus fortes que celles
d’aucunes espèces sauvages d’un même genre naturel ; e n f in , et
ce ci est le maximum de variation connu ju sq u ’ à ce jo u r dans le règne
animal, il y a des races de chiens q u i ont un doigt de plus au pied
de d e r r iè r e , avec les os d u tarse co rresp ondans , comme il y a , dans
l’espèce humaine, quelques familles sexdigitaires.
Mais dans toutes ces variations les relations des os restent les
m ême s , et jamais la forme des dents ne change d ’une manière appréciable
; to u t au p lus y a-t-il quelques individus où il se développ e
une fausse molaire de p lu s , soit d ’ un c ô t é , soit de l’ autre (r).
I l y a d o n c , dans les animaux, des caractères qui résistent à toutes
les influences , soit n aturelles , soit humaines, et rien n’annonce que le
temps ait, à leur égard, plus d’ effet que le climat et que la domesticité.
- (i) Voyez le Mémoire de mon frère sur les variétés des chiens, que nous donnerons dans
la suite de ces Recherchés. Ce travail'a été exécuté à ma prière avec les squelettes que j ’ai fait
préparer exprès de toutes les »variétés de chien.