des ponts et chaussées, m'a communiqué des renseignemens bien
précieux pour l'explication de ces changemens du littoral de l’Adriatique
(i). Ayant été chargé par le gouvernement d'examiner les
( i ) Extrait des Recherches de M. be P rony _, sur le Système hydraulique
. de VItalie.
Déplacement de la partie du rivage de VAdriatique occupée par les bouches du Pô.
L a partie du rivage de l'Adriatique comprise entre les extrémités méridionales du lac ou
des lagunes de Comachio et des lagunes de Venise, a subi, depuis les temps antiques , des
changemens considérables, attestés par les témoignages des auteurs les plus dignes de fo i, et
que l’état actuel du so l, dans les pays situés près de ce rivage , ne permet pas de révoquer
en doute ; mais il est impossible de donner, sur les progrès successifs de ces changemens,
des détails exacts, et surtout des mesures précises pour des époques antérieures au douzième
siècle de notre ère.
On est cependant assuré que la ville de Ha tria, actuellement. A d r ia, étoit autrefois sur
les bords de la m e r , et voilà un point fixe et connu du rivage primitif, dont la plus courte
distance au rivage actuel, pris à l’embouchure d e l ’Adige, est de 26000 mètres (*). Les
habitans de cette ville ont, sur son antiquité, des prétentions exagérées en bien des points,
mais on ne peut nier qu’elle ne soit une des plus anciennes de l’Italie ; elle a donné son nom
à la mer qui baigna ses murs. On a reconnu , par quelques fouilles faites dans son intérieur
et dans ses environs, l’existence d’une couche de terre parsemée de débris de poteries
étrusques, sans mélange d’aucun ouvrage de fabrique romaine ; l’étrusque et le romain se
trouvent mêlés dans une couche supérieure, -sur laquelle on a découvert les vestiges d’un
théâtre ; l’une et l’autre couche sont fort abaissées au-dessous du sol actuel ; et j’ai vu à
Adria des collections curieuses, où les monumens qu’elles renferment sont classés et séparés.
Le-prince vice-roi, à qui je fis observer, il y a quelques années, combien il seroit intéressant
pour l’histoire et la géologie de s’occuper en grand du travail des fouilles d A^ria ,
et de déterminer les hauteurs par rapport à la m e r , tant du sol primitif que des couches
successives d’alluvions, goûta fort mes idées à cet égard; j’ignore si mes propositions ont eu
quelque suite.
En suivant le rivage , à partir d’Hatria, qui étoit situee dans le fond d un petit golfe, on
trouvoit, au sud, un rameau de YAthesis ( l’Adige) „e t les fosses-philistines, dont la trace
répond à celle que pourroient avoir le Mincio et le Tartaro réunis, si le Po couloit encore
au sud de Ferrare ; puis venoit le Delta Venetum, qui paroît avoir occupé la place où se
trouve le lac ou la lagune de Commachio. Ce Delta étoit traversé par sept bouches de
YEridanus, autrement F a d is , Padus ou Podincus, qui avoit sur sa rive gauche , au point
de diramation de ces bouches, la ville de Trigopolis, dont la position doit etre peu éloignée
de celle de Ferrare. Sept lacs renfermés dans le Delta prenoient le nom de Septem Maria, et
Hatria est quelquefois appelée Urb s Septem Marium.
En remontant le rivage du côté du nord , à partir d’Hatria, on trouvoit 1 embouchure
(*) On verra bientôt que la pointe du promontoire d’alluvions, formée par le Pô, est plus avancée dans la mer
de 10000 mètres environ que l’embouchure de l’Adige.
remèdes que l’on pourroit appliquer aux dévastations qu’occasionnent
les crues du Pô, il a constaté que cette rivière, depuis l’époque
où on l’a enfermée de digues, a tellement élevé son fond, que
principale de YAthesis, appelée aussi Fossa Philistina, puis l’AEstuarium A ltini, mer intérieure,
séparée de la grande par une ligne d’îlots , au milieu de laquelle se trouvoit un petit
archipel d’autres îlots, appelé Rialtum; c’est sur ce petit archipel qu’est maintenant située
Venise; l’AEstuarium A ltini est la lagune de Venise qui ne communique plus avec la mer que
par cinq passes , les îlots ayant été réunis pour former une digue continue.
A l’est des lagunes et au nord de la ville d’E s te , se trouvent les monts Euganéens, formant,
au milieu d’une vaste plaine d’alluvions , un groupe isolé et remarquable de pitons, dans les
environs duquèl on place le lieu de la fameuse chute de Phaéton. Quelques auteurs prétendent
que des masses énormes de matières enflammées, lancées par des explosions volcaniques dans
les bouches de l’Eridan, ont donné lieu à cette fable; il est bien vrai qu’on trouve aux
environs de Padoue et de Vérone beaucoup de produits volcaniques.
Les renseignemens que j ’ai recueillis sur le gisement de la côte de l’Adriatique aux bouches
du Pô, commencent, au douzième siècle, à avoir quelque précision ; à cette époque toutes
les eaux du Pô coûtaient au sud de Ferrare, dans le Pô di Folano et 1 eP ô diPrimaro, dira—
mations qui embrassoient l’espace occupé par la lagune de Commachio. Les deux bouches
dans lesquelles le Pô a ensuite fait une irruption, au nord de Ferrare, se nommoient, l’une,
fiume di Corbola , ou d i Longola, ou del Mazorno; l’autre, fiume Toi. La première, qui
étoit la plus.septentrionale, recevoit, près de la m e r , le Tartaro ou canal Bianco; la seconde
étoit grossie à Ariano par une dérivation du P ô , appelée fiume Goro.
Le rivage de la mer étoit dirigé sensiblement du sud au nord, à une distance de 10 ou 11 mille
mètres du'méridien d’Adria; il passoit au point où se trouve maintenant l’angle occidental
de l’enceinte delà Mesola; et Loreo, au nord de la Mesola, n’en étoit distant que d’environ
2000 mètres.
Vers le milieu du douzième siècle les grandes eaux du Pô passèrent au travers des digues
qui les soutenoient du côté de leur rive gauche, près de la petite ville de Ficàrolo, située à
19000 mètres au nord-ouest de Ferrare, se répandirent dans la partie septentrionale du
territoire de Ferrare et dans la polésine de Rovigo, et coulèrent dans les deux canaux ci-
dessus mentionnés de Mazorno et de Toi. Il paroît bien constaté que le travail des hommes a
beaucoup contribué à cette diversion des eaux du Pô; les historiens qui ont parlé de ce fait
remarquable n.e diffèrent entre eux que par quelques détails. La tendance du fleuve à suivre
les nouvelles routes qu’on lui avoit tracées devenant de jour en jour plus énergique, ses deux
branches du Folano et du Primaro s’appauvrirent rapidement, et furent, en moins d’un
siècle, réduites à peu près à l’état où elles sont aujourd’hui. Le régime du fleuve s’établissoit
entre l’embouchure de l’Adige et le point appelé aujourd’hui Porto di Goro; les deux canaux
dont il s’étoit d’abord emparé étant devenus insuffisans, il s’en creusa de nouveaux ; et au
commencement du dix-septième siècle sa bouche principale, appelée Sbocco di Tramontana,
se trouvant très-rapprochée de l’embouchure de l’Adige , ce voisinage alarma lés Vénitiens,
qui creusèrent, en 1604, le nouveau lit appelé Taglio di Porto F iro ou Po delle Fornaei,
au moyen duquel la Bocca Maestra se trouva écartée de l’Adige du côté du midi.
T. I. Æ
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