Quant à la manière dont les dents en général naissent et croissent,
nos observations nous paraissent confirmer la théorie de Hunter
plutôt que toutes les autres dans ce qui concerne la partie de la dent
qu on nomme substance osseuse. Mais ce grand anatomiste ne nous
paroîtpas avoir été aussi heureux à l’égard de l’émail; et il a entièrement
méconnu la nature de la troisième substance, propre à certains
herbivores. Sous ces deux rapports, c’est M. Bla ke qui nous
parait être approché davantage de la vérité; tandis que nous ne
pensons pas, comme lui, qu’il y ait des vaisseaux dans la substance
osseuse...
En effet, chaque molaire d’éléphant, comme toute autre dent
quelconque, est produite et pour ainsi dire conçue dans l’intérieur
d’un sac membraneux que nous appellerons, avec plusieurs anatomistes,
sa capsule.
Ce sac, vu extérieurement, est dans l’éléphant d’une forme rhom-
boïdale, moins haute en arrière qu’en avant; il est fermé de toute
part, si l’on excepte les petites ouvertures pour le passage des nerfs
et des vaisseaux.
Il est logé dans une cavité osseuse de même forme que lui,
creusée dans l’os maxillaire, et qui doit former un jour l’alvéole de
la dent.
Il n’y a que la lame externe de la 'capsule qui ait la simplicité de
forme que nous avons dite. Sa lame interne fait au contraire, comme
dans les herbivores en général, beaucoup de replis; mais pour les
faire concevoir il faut décrire une autre partie.
J’entends parler du noyau pulpeux' de la dent. Il a dans chaque
animal une figure propre. Pour se représenter celui de l’éléphant en
particulier, qu’on se figure que du fond de la capsule, pris pour
base, partent des'espèces de petits murs tous parallèles, tous transverses,
et se rendant vers la partie du sac prête à sortir de l’alvéole.
Ces petits murs n’adhèrent qu’au fond de la capsule; leur extrémité
opposée, ou, si l’on veut, leur sommet, est libre de toute adhérence.
Ce sommet libre est beaucoup plus mince que la base; on pourroit
l’appeler leur tranchant; il est de plus profondément fendu sur
sa largeur en plusieurs pointes ou dentelures très-aiguës.
La substance de ces petits murs est molle, transparente, très-vasculaire,
et paroît tenir beaucoup de la nature de la gélatine; elle
devient dure, blanche et opaque dans l’esprit-de-vin.
On peut maintenant aisément se figurer les replis de la membrane
interne de la capsule; qu’on s’imagine qu’elle forme des productions
qui pénètrent dans tous les intervalles des petits murs gélatineux que
je viens de décrire. Ces productions adhèrent à la face de la capsule
qui répond à la bouche et aux deux faces latérales , mais elles n’adhèrent
point à son fond, duquel naissent les petits murs ou productions
gélatineuses. Par conséquent, on peut concevoir un vide possible et
continu, quoique infiniment replié sur lui-même entre tous ces petits
murs gélatineux ( descendans pour les dents d’en haut, asCendans
pour celles d’en bas ') et ces petites cloisons membraneuses ( ascendantes
dans les dents d’en haut, descendantes dans celles d’en bas ).
C’est dans ce vide concevable que se déposeront les matières qui
doivent former la dent, savoir : la substance vulgairement appelée
osseuse, qui sera transsudée par les productions gélatineuses venant
du fond de la capsule, et l’émail qui sera déposé par les cloisons
membraneuses, et en général par toute la surface interne de la capsule
et de ses productions , la seule base exceptée.
Il faut cependant remarquer qu’entre la prétendue substance osseuse
et l’émail, il y a encore une membrane très-fine que je crois
avoir découverte. Lorsqu’il n’y a encore aucune partie delà première
substance de transsudée, cette membrane enveloppe immédiatement
le petit mur gélatineux, et le serre de très-près.
A mesure que ce petit mur transsude cette substance, il se rapetisse,
se retire en dedans et s’éloigne de la membrane, qui lui sert
néanmoins toujours de tunique, mais de tunique commune à lui et à
la matière qu’il a transsudée sous elle.
L ’émail de son côté est déposé sur cette tunique par les productions
de la lame interne de la capsule, et il la comprime tellement
contre la substance interne ou osseuse quelle sépare de lui, que
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