Les exostoses des dents , les fongosités ne viennent point à le surface
de l’émail d’une dent saine, mais dans le fond des creux des
caries. Ce sont des productions du noyau pulpeux qui ont percé la
matière dure dans le fond aminci de ces creux.
L’ allongement continue] des dents qui n’en ont point à leur opposite
pour les retenir, s’accorde avec tous ces faits ; la portion,
une fois sortie de la défense de l’éléphant, s’allonge toujours, mais
ne grossit et ne durcit point : c’est qu’elle est toujours poüssëe en
arrière par des couches nouvelles, tandis qu’elle-même ne peut plus
éprouver aucun changement. On sait jusqu’où cet allongement se
porte dans les lapins qui ont perdu une dent, et dont la dent opposée
ne s use plus par la mastication. Continuant d’allonger en arrière,
elle finit par empêcher l’animal de manger. C’est dans ce sens qu’A-
ristote a dit que les dents croissent tonte la vie, tandis que les autres
os ont des limites déterminées.
Il faut ajouter cependant que les dents ordinaires en ont aussi une :
c ’est quand l’entrée de leur cavité est oblitérée, et que leur noyau
pulpeux ne reçoit plus de nourriture; mais la nature a eu soin de
laisser les voies toujours ouvertes dans les animaux qui, usant beaucoup
leurs dents, avoient besoin qu’elles se réparassent toujours en
arrière : tels sont les lapins pour leurs incisives , et lés éléphans,
pour leurs défenses: la racine ne s’y rétrécissant point,' son canal
ne peut être bouché.
A r t i c l e IY .
D es différentes espèces d'éléphans actuellement existantes ; de
leurs caractères d istin ctifs, e t des Variétés qui ont lieu dans
chacune d éliés.
i®. Différences des mâchelières.
On a long-temps possédé et décrit indistinctement des dents mo-
1 .ires de Xéléphant des Indes et de Xéléphant d ’A fr iq u e , sans les
comparer et sans s’apercevoir qu’elles ne se ressemblent pas en tout.
Ainsi la société royale de Londres fit représenter,, en 17 15, des molaires
d’A fr iq u e , pour servir d’objet de comparaison à des molaires
fossiles qui, comme on sait, ressemblentbeaucoup à celles A a Indes,
et personne n’insista sur une différence qui sautoit aux yeux.
L ’exact et judicieux Daubenton ne la remarqua pas davantage,
et Buffon ni Linnceus ne soupçonnèrent jamais qu’il pût y avoir
plus d’une espèce d’éléphant. On n’aperçoit pas même encore
de traces de cette possibilité dans l’édition du Systema N aturoe ,
par Gmelin- et en effet tout ce que l’on trouvoit là-dessus dans les
anciens et dans les voyageurs, étoit vague, et pouvoit ne se rapporter
qu’à de simples variétés.
Tel est, par exemple, ce que les anciens ont dit sur les différences
de ces éléphans et sur leurs divers degrés d’aptitude à la guerre.
P o ly b e, liv. II, c. X V II , en racontant la bataille perdue auprès de
Raphia, par Anli/jchus le grand, contre Ptolom ée IV P h ilo p a to r,
l’an de Rome 535, 17 1 ans avant J. C., parle de la supériorité des
éléphans des Indes sur ceux de Lybie qui avoit d’abord paru faire
pencher la victoire du côté d’Antiochus, et dit à cette occasion que
les éléphans de Lybie redoutent ceux des Indes e t ne peuvent n i
les sen tir, n i en ouïr le c r i, ou p lu tô t, que c ’est lagrandeur et la
fo r c e de ceux-ci qui leur fa i t prendre la fu ite .
T ite -liv e , liv. X X X V I I , ch. 3g , rapporte quelque chose de semblable
à l’occasion de la bataille de M agnésie, perdue 27 ans après,
l’an de Rome 56a , par le même Antiochus contre les romains commandés
par Scipion ï A sia tiq u e, et sous lui par Cn. Domitius son
lieutenant. Il dit que « le général Romain q u i n avoit que seize
éléphans, les plaça à Varrière-garde, non-seulement parce qu’ils
n auraient pu résister à cause de leur p e tit nombre à ceux du ro i,
q u i en avoit cinquante-quatre, mais encore parce que étant
d’A fr iq u e, ils n auroient p u à nombre égal soutenir le combat
contre ceux des Indes, cette dernière race ayant à la fo is p lu s de
courage et une ta ille beaucoup supérieure. »
Appien donne la même raison de cette manoeuvre (de Bellis Syriac.
éd. d’Amsterd. 1760, 8°. I, p. 172). Selon lui:« Domitius jugeant que