l’Ost-Frise, du pays de Brème et du Holstein, parce que l’on con-
noît les époques où les nouveaux terrains furent enceiuts pour la
première fois, et que l’on peut y mesurer ce que l’on a gagné depuis.
Cette lisière, d’une admirable fertilité, formée par les fleuves et
par la mer, est pour ces pays un don d’autant plus précieux, que
l’ancien sol, couvert de bruyères ou de tourbières, se refuse presque
partout à la culture ; les alluvions seules fournissent à la subsistance
des villes peuplées construites tout le long de cette côte depuis le
moyen âge, et qui ne seroient peut-être pas arrivées à ce degré de
splendeur sans les riches terrains que les fleuves leur avoient préparés,
et qu’ils augmentent continuellement.
Si la grandeur qu’Hérodote attribue à la mer d’Âzof, qu’il fait
presque égale à l’Euxin (1), étoit exprimée en termes moins vagues,
et si l’on savoit bien ce qu’il a entendu par le Gerrhus (2), nous
y trouverions encore de fortes preuves des changemens produits
par les fleuves, et de leur rapidité, car les alluvions des rivières
auroient pu seules,- depuis cette époque, c’est-à-dire depuis
225o ans , réduire la mer d’Azof comme elle l’e s t, fermer le cours
de ce Gerrhus, ou de cette branche du Dniéper qui se seroit jetée
dans l’Hypacyris, et avec lui dans le golfe Carcinites ou d’Olu-Deg-
n itz , et réduire à peu près à rien X Hypàcyris lui-même (3). On en
auroit de non moins fortes s’il étoit bien certain que l’Oxus ou
Sihoun, qui se jette maintenant dans le lac d’A ra l, toinboit au-
'f i) Melpom., L X X X V I .
(2) Jbid., L Y I .
(3) Voyez la Géographie d’Hérodote de M. Renneï, p. 56 et suivantes ; et une partie de
l ’ouvrage-de'M. Dureau de Lamalle, intitulé Géographie physique de la mer Noire , etc. Il
n’y a aujourd’hui que la très-petite rivière de Kamennoipost qui puisse représenter le
Gerrhus et Y Hypàcyris tels qu’ils sont décrits par Hérodote.
N. B. M. Dureau, page 170 , attribue à Hérodote d’avoir fait déboucher le Borysthène et'
l’Hypanis dans le Palus-Méotide; mais Hérodote dit seulement (Melpom., LIII) que ces-
deux fleuves se jettent ensemble dans le même lac c’est-à-dire, dans le Limcin, comme-
aujourd’hui. Hérodote n’y fait pas aller davantage le Gerrhus et PHypàcyris.
trefois dans la mer Caspienne ; mais nous avons près de nous
des faits assez démonstratifs pour n’en point alléguer d’équivoques,
et ne pas faire de l’ignorance des anciens en géographie la base de nos
propositions physiques.
Nous avons parlé ci-dessus des dunes, ou de ces monticules de Marche des
sable que la mer rejette sur les côtes basses quand son fond est dunes'
sablonneux. Partout où l’industrie de l’homme n’a pas su les fixer,
ces dunes avancent dans les terres aussi irrésistiblement que les
alluvions des fleuves avancent dans la mer 5 elles poussent devant
elles des étangs formés par les eaux pluviales du terrain qu’elles
bordent, et dont elles empêchent la communication avec la mer,
et leur marche a, dans beaucoup d’endroits, une rapidité effrayante.-
Forêts, bâtimens, champs cultivés, elles envahissent tout. Celles du
golfe de Gascogne (1) ont déjà couvert un grand nombre de villages
, mentionnés dans des titres du moyen âge ; et en ce moment,
dans le seul département des Landes , elles en menacent dix d’une
destruction inévitable. I/un de ces villages , celui de Mimisan, lutte
depuis vingt ans contre elles, et une dune de plus de soixante pieds
d’élévation s’approche, pour ainsi dire, à vue d’oeil.
En 1802 les étangs ont envahi cinq belles métairies dans celui de
Saint-Julien (2) ; ils ont couvert depuis long-temps une ancienne
chaussée romaine quiconduisoit de Bordeaux à Bayonne, et que l’on
voyoit encore il y a trente ans, quand les eaux étoient basses (3),
L Adour qui, à des époques connues, passoit au vieux Boucaut, et
se jétoit dans la mer au cap Breton, est maintenant détourné de plus
de mille toises.
FeuM. Bremontier,inspecteur des ponts et chaussées, qui a fait 1
(1) Voyez le Rapport sur les Dunes du golfe de Gascogne, par M. Tassin, Mont-de-
Marsan, an X .
(2) Mémoire de M. Bremontier, sur la fixation des dunes.
(3) , Tassin, loc, cit.