et Collinson en fit passer une grosse dent à Buffon (0 , et publia
sur le tout une notice dans le LVIIe. volume des Transactions. Il
attribuoit encore les défenses à l’éléphant.
Dans le nombre des pièces envoyées par Croghan, étoit une
demi-mâchoire inférieure, aujourd’hui déposée au Muséum britannique
: c’est celle que décrivit W illiam Hunier dans les Transactions
philosophiques pour 1768 (2). Il s’en servit pour démontrer
que l’animal en question, tout en différant sensiblement de
l’éléphant, n’avoit rien de commun avec l’hippopotame, et il lui
attribua positivement les défenses trouvées avec ces dents. Mais
Buffon ne paroît pas avoir connu ce Mémoire , et n’en fait nulle
mention dans ses Époques de la nature, imprimées," comme on
sait, en 1775.
Buffon y avança le premier que ces mêmes dents à huit et dix
pointes se trouvent aussi dans l’ancien Continent. Il en publia une
( pl. I et II) que lui avoit donnée le comte de Vergennes en 1770,
et qu’on disoit avoir été découverte dans la petite Tartarie en faisant
un fossé. C’est une des plus grosses que l’on ait jamais eues :
elle pèse onze livres quatre onces. Une seconde, tirée du cabinet de
l’abbé Chappe, et qu’on supposoit venir de Sibérie, fut représentée
pl. III. Nous conservons l’une et l’autre dans ce Muséum.
P allas annonça la même chose, en 1777, pour les dents à six
pointes. Il en fit graver une fort usée des monts Ourals (3).
J’ai cru long-temps, d’après ces trois pièces, que notre grand mastodonte
avoit aussi habité l’ancien Continent ; mais j’avoue que mes
longues recherches ne m’ayant procuré aucun autre morceau qui
ne vînt pas d’Amérique, j’ai examiné de nouveau la question , et
que j’ai conçu de grands doutes. L ’abbé Chappe avoit été en Californie,
et pouvoit avoir d’ailleurs dans ses collections des morceaux
qu’il n’avoit pas recueillis lui-même; je ne trouve nulle part de té- 1
(1) Epoques de la nature, pî. IV et V*
(2) Tome L V I I I , cité plus haut.
X3) Acta P etrop., 1777, part. I I , p. 213 , tab. IX.
moignage certain qu’il ait rapporté de Sibérie la dent que le cabinet
a reçue de lui. Celle que Pallas a fait figurer, bien comparée, res-
sembleroit peut-être autant au mastodonte à dents étroites qu’au
grand mastodonte. Enfin qui nous assurera que Vergennes n’ avoit
pas été induit en erreur sur la grande mâchelière qu’il donna à
Buffon? Je le répète : je ne prétends pas infirmer entièrement ces
trois preuves , mais je commence à ne plus les regarder comme suffisantes.
A cette même époque et dans le même volume de l’Académie de
Pétersbourg, pour 1777, p. 2 19 , Camper montra de nouveau que
l’animal d’Amérique aux grosses dents tuberculeuses avoit de plus
grandes analogies avec l’éléphant qu’avecl’hippopotame, et qu’il étoit
fort probable qu’il avoit porté une trompe ; que dans aucun cas il ne
pouvoit être considéré comme carnivore. C’étoit un pas important
de fait dans la connoissance de notre mastodonte ; mais le grand anatomiste
à qui on le devoit en fit bientôt un rétrograde.
Un morceau considérable du crâne et quelques autres os avoient
été trouvés en 1785 par le docteur Brown, et exposés à la curiosité
publique dans la galerie de peinture de M. Charles Wittson P ea le,
à Philadelphie, où ils donnèrent à ce dernier l’idée du beau Muséum
d’Histoire naturelle qu’il a formé depuis (1).
M. M ich a ëlis, professeur à Marpurg, s’étant procuré des dessins
de grandeur naturelle de ces os, les fit voir à Camper, et celui-ci
prenant la partie du palais où les dente se rapprochent, pour la
partie antérieure, regarda les apophyses ptérygoïdes comme des os
intermaxillaires, et ne trouva par conséquent aucune place pour les
défenses. Il déclara donc en 1788 (Nov. A c t. P etrop ., tome II,
p. 25g et suiv. ) quil s’étoit trompé ; que l’animal de l’Ohio avoit
le museau pointu et sans défenses; qu’il ne ressembloit pas à l’éléphant,
et que lui-même ne savoit plus que penser de sa vraie nature.
Il paroît que M. M ickaëlis avoit aussi avancé cette opinion dans
(ï) Voyez l’Epître de Rembrandt Peale à son père, en tête de la Disquisition on the
mammouth, etc.
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