ginant un certain état primitif, modifié ensuite par le déluge, dont
chacun imaginoit aussi, à sa manière, les causes, l’action, et les effets.
Ainsi, selon l’un ( i ) ,' la terre avoit reçu d’abord une croûte égale
et légère qui recouvroit l’abîme des mers, et qui se creva pour produire
le déluge; ses débris formèrentles montagnes. Selon l’autre (2),
ledéluge fut occasioné par une suspension momentanée de la cohésion
dans les minéraux ; toute la masse du globe fut dissoute, et la pâte
en fut pénétrée par les coquilles. Selon un troisième (3) , Dieu souleva
les montagnes' pour faire écouler les eaux du déluge, et les prit
dans les endroits où il y avoit le plus de pierres, parce qu autrement
elles n’auroient pu se soutenir. Un quatrième (4) créa la terre avec
l’atmosphère d’une comète, et la fit inonder par la queue d’une
autre ; la chaleur qui lui restoit de sa première origine, fut ce qui
excita tous les êtres vivans au péché; aussi furent-ils tous noyés,
excepté les poissons, qui avoient apparemment les passions moins
vives.
On voit que, tout en se retranchant dans les limites fixées par la
Genèse, les naturalistes sédonnoient encore une carrière assez vaste:
ils se trouvèrent bientôt à l’étroit; et, quand ils eurent réussi à faire
envisager les six jours de la création comme autant de périodes indéfinies,
les siècles ne leur coûtant plus rien, leurs systèmes prirent
un essor proportionné aux espaces dont ils purent disposer.
Le grand Leibnitz lui-même s’amusa à faire, comme Descartes ,
de la terre un soleil éteint (5) , un globe vitrifié, sur lequel les vapeurs,
étant retombées lors de son refroidissement, formèrent des
mers, et déposèrent ensuite les terrains calcaires.
(1) Burnet, Telluris Theoria sacra, Lond. 1681.
(2) TVoodward, Essay towards the natural history of the Earth, Lond, 1702.
(3) Scheuchzer, Mem. de 1’A cad., 1708.
(4) TVhis ton, A New Theory of the Earth, Lond. 1708.
(5) Le ibnitz, Protogaea. act. L ip s ., i 683 ; Gott., 1749.
Demaillet couvrit le globe entier d’eau pendant des milliers d’années
; il fit retirer les eaux graduellement; tous les animaux terrestres
avoient d’abord été marins ; l’homme lui-même avoit commencé
par être poisson ; et l’auteur assure qu’il n’est pas rare de
rencontrer dans l’Océan des poissons qui ne sont encore devenus
hommes qu’à moitié, mais dont la race le deviendra tout-à-fait quelque
jour (1).
Le système de Buffon n’est guère qu’un développement de celui
de Leibnitz, avec l’addition seulement d’une comète qui a fait sortir
du soleil, par un choc violent, la masse liquéfiée de la terre, en
même temps que celle de toutes les planètes : d’où il résulte des
dates positives ; car, par la température actuelle de la terre, on peut
savoir depuis combien de temps elle se refroidit; et, puisque les
autres planètes sont sorties du soleil en même temps qu’elle , on
peut calculer combien les grandes ont encore de siècles à refroidir,
et jusqu’à quel point les petites sont déjà glacées (2).
De nos jours, des esprits plus libres que jamais ont aussi voulu Systèmes plus
s’exercer sur ce grand sujet. Quelques écrivains ont reproduit e tnouveaux-
prodigieusement étendu les idées de Demaillet; ils disent que tout fut
liquide dans l’origine ; que le liquide engendra des animaux d’abord
très-simples, tels que des monades ou autres espèces infusoires et
microscopiques; que, par suite des temps, et en prenant des habitudes
diverses, les races animales se compliquèrent, et se diversifièrent
au point où nous les voyons aujourd’hui. Ce sont toutes ces
races d’animaux qui ont converti par degrés l’eau de la mer en
terre calcaire; les végétaux , sur l’origine et les métamorphoses
desquels on ne nous dit rien , ont converti de leur côté cette eau
en argile ; mais ces deux terres, à force d’être dépouillées des
caractères que la vie leur avoit imprimés, se résolvent, en der-
(1) Telliamed, Amsterd., 1748.
(2) Théorie de la terre, 1749 ; et Époques de la nature