les os fossiles, la preuve qu’ils sont restés aux lieux où on les trouve,
à peu près depuis l’époque de la mort de l’animal.
Ceux de la rivière des Grands Osages, dont j’ai parlé ci-dessus,
avoient quelque chose de pardculier dans leur position : c’est qu’ils
étoient presque tous dans une situation verticale, comme si les animaux
s’étoient simplement enfoncés dans la vase.
Les substances ferrugineuses dont ils sont teints ou pénétrés sont
la principale preuve de leur long séjour dans l’intérieur de la terre.
Des indices d’un séjouroud’un passage de la mer sur eux paroissent
être plus rares que dans les os d’éléphans. Je n’ai point vu de restes
de coquilles ou de zoophytes sur les os de grands mastodontes que
j’ai examinés, et je ne trouve dans aucune relation qu’il y en ait eu
dans les lits d’où ils ont été tirés ; circonstance d’autant plus
singulière, qn’on devroit être tenté de considérer ces marais salans
où l’on en trouve le plus, comme les restes d’un liquide plus étendu
qui auroit détruit ces animaux.
M. Barton pense que ces eaux salées ont contribué à la belle
conservation de cette sorte de fossiles. Il a même recueilli dans la
lettre qu’il a bien voulu m’écrire à ce sujet, deux témoignages qui
paroissent prouver qu’on en a de temps en temps deterre des parties
molles encore reconnoissables ; ce qui, à cause de la chaleur du
climat, est beaucoup plus étonnant que pour les mammouths ou
vrais éléphans fo ssile s et les rhinocéros du nord de la Sibérie.
Les sauvages qui en virent cinq squelettes en 1762 , rapportèrent
qu’une des têtes avoit encore « un long nez , sous lequel étoit la
» bouche. » M. Barton pense que ce long n ez n’étoit autre chose
-que la trompe.
K a lm , en parlant d’un grand squelette qu’il croyoit d’éléphant,
selon les idées de son temps, et qui fut découvert par les sauvages
dans un marais du pays des Illin o is, dit que la .«.forme du bec
» éto it encore reconnoissable, quoique à moitié décomposée. »
Il y a grande apparence , à ce que croit M. B a rton , qu’il s agit
encore ici au moins de la racine de la trompe.
Ces deux faits rendroient assez vraisemblable l’opinion que les
parties de plantes triturées, trouvées auprès du squelette du comté
de W y th e, étoient en effet les matières qui remplissoient l’estomac
de l’individu dont ce squelette provenoit.
On montroit,il y a quelques années, à Paris, une pièce qui, si
elle étoit suffisamment authentique, confirmeroit toutes les autres
et feroit presque douter que l’espèce fut éteinte. C’est une semelle
avec ses cinq ongles. Le propriétaire assuroit la tenir d’un Mexicain,
qui lui avoit dit l’avoir achetée à des sauvages de l’ouest du Missouri,
lesquels l’avoient trouvée dans une caverne avec une dent. Mais
cette semelle étoit si fraîche ; elle paroissoit si manifestement avoir
été enlevée au pied avec un instrument tranchant; enfin elle étoit
si parfaitement semblable à celle d’un éléphant, que je n’ai pu
m’empêcher de soupçonner quelque fraude, au moins dans le récit du
Mexicain.
On imagine aisément qu’il n’a pas manqué d’hypothèses sur l’origine
de ces os, ou sur les causes de la destruction des animaux qui les ont
prod uits.
Les sauvages Shavanais croient qu’il existoit avec ces animaux des
hommes d’une taille proportionnée à la leur, et que le grand être foudroya
les uns et les autres (1).
Ceux de Virginie disent qu’une troupe de ces terribles quadrupèdes,
détruisant les daims, les buffles et les autres animaux créés
pour l’usage des Indiens, le grand homme d’en haut avoit pris son
tonnerre et les avoit foudroyés tous, excepté le plus gros mâle, qui
présentant sa tête aux foudres, les secouoit à mesure qu’ils tom-
boient, mais qui ayant été à la fin blessé par le côté, se mit à fuir vers
les grands lacs, où il se tient j usqu’à ce jour (2).
De pareils contes prouvent suffisamment que ces Indiens n’ont
aucune connoissance de l’existence actuelle de l’espèce dans les pays
qu’ils parcourent.
Lamanon, après beaucoup d’autres, supposoit que c’étoit quelque
(1) Barton, Journal cité, p. 157.
(2) Jefferson, Notes sur la Y i r g . , trad. f r . , p. 99.