Ils donnent donc un correctif très-suffisant à ce que les descriptions
des anciens ont de défectueux, et ne laissent aucun doute raisonnable
sur la véritable application du nom d’hippopotame.
L ’Europe chrétienne n’a point vu d’hippopotame vivant; on ne
trouve sur cet animal, dans les auteurs du moyen âge (1), même
dans ceux qui ont visité le pays qu’il habite, tels que le cardinal
Jacques de F itry (2), que des compilations mêlées de fables nouvelles
ou altérées par des contre-sens. Pour trouver à cette époque
quelques notions un peu justes, c’est aux Arabes qu’il faut recourir,
et A b d a lla tif dans sa relation de l’Égypte décrit réellement fort
bien l’hippopotame (3).
Bélon et Gy lias sont les premiers modernes qui aient vu l’hippopotame
en nature, et peut-être est-ce le même individu qu’ils ont
vu. C’est à Constantinople qu’ils l’ont observé. Bélon n’en parla
même que de mémoire dans son livre des poissons, y ajoutant la
figure prise de la médaille d’Adrien. Il rectifia l’erreur de la statue
du Nil qui donne à l’animal cinq doigts au lieu de quatre ; mais
ne parla des dents que pour dire qu’elles tiennent'de celles du
cheval{Nat. et divers, des poissons, p. 18 et 19).
Gessner n’eut autre chose à faire que de copier Bélon ( Gesn. pisc.
art. hippop. ).
G y liu s, qui d’après sa lettre au cardinal d’Armagnac, citée par
Prosper A lp in ( dereb. oeg. I , 248) avoit aussi vu un de ces animaux
à Constantinople, et peut-être le même individu que Bélon, se
borna cependant, comme nous l’avons vu, à copier la description de
Diodore.
Ce ne fut qu’en i 6o3, un demi-siècle après Bélon, qu’un chirurgien
italien, nommé Z ereng hi, apporta d’Égypte des peaux d’hip- *3
fi) Isidore de Séville, Grig., lib. X I I , p. x68, de l’ éd. de Paris, i6ot ; Vincent de
Beauvais, Spect. natur., lib. X V I I , cap. C X V et C X X X V I -, Albert-le-Grand, de Nat.
anim., dans ses oeuvres, t. V I , p. 654, de l’éd. de Ly on , i65i .
le) Jac. V itr îa c ., Hist, orient., cap. L X X X V I , ap. Bongars,I, ï io 3.
(3) Abdallatif, Helat. de l’Egypte, trad, par M. de Sacj-, p. iX|3 et suiv.
potames des deux sexes, et publia une bonne description de l’espèce,
avec une figure de la femelle (i).
Aldrovande, à qui Zerenghi avait montré cette même femelle,
1 avoit fait dessiner pour son Histoire des animaux ; cependant ce
ne fut point cette figure-là qu’il publia, mais une autre qui lui avoit
été envoyée, dit-il, de Padoue, et sans doute par Prosper A lp in ,
car c est la même qui revient dans l’ouvrage de celui-ci , publié
seulement en i j 35, p. 247- On la voit dans Aldrovande (de quadr.
dig. viv., lib. I, p. 184, édit, de Bol. i 638), et la tête séparément, la
gueule ouverte (p. i 85).
Le savant Fabius Columna avoit aussi fait faire de son côté, de
1 animal rapporte par Zerenghi, un dessin beaucoup meilleur, qui
parut, avec une bonne description, dans ses A quat. obs,, page 3o,
en 1616, et par conséquent avant celui d’Aldrovande, quoique
celui-ci eut ete fait plutôt, memr en le supposant de- Prosper A lp in ,*
car ce dernier auteur quitta l’Egypte en i 583 ; il y avoit passé- les
trois années précédentes, et mourut professeur à Padoue, en 1617.
Ludolphe en donna des figures préférables aux précédentes
en 1687 , dans son Histoire d’Abyssinie (h'b. I , cap. X I , n°. I ) , mais
ÿans en faire connoître la source.
En 1689, Jean de Thévenot, dans son Voyage au Levant (liv. II
de la 1re. partie, chap. 71, p. 787 ), donne une assez bonne description
d’un individu qui fut tué de son temps à Girgé près du Caire, mais
ne l’accompagne peint d’une figure.
Maigre les lumières que I on auroit pu tirer de ces notions authentiques
, la publication de l’ouvrage de Prosper Alpin, faite
comme j e viens de le dire en 17 35, fut cause que la matière commença
à s’embrouiller.
Il intitule son chapitre X II : du Choeropotame e t de l ’Hippopotame
il y donne d abord la figure de deux peaux empaillées,
l’une d’un grand animal femelle, et l’autre de son foetus, qu’il avoit
vues dans la maison du pacha du Caire ; ce sont évidemment deux
(»)• s» dissertation est donnée par extrait dans Buffon, t. X I I , in - p . , p. 24 et suiv.
35"