du jour. Ils ont nommé cet animal mammont ou mammouth ; selon
quelques-uns, du mot m anima, qui signifie terre dans quelque
idiome tartare(r); et, selon d’autres, de l’arabe behemoth, employé
dans le livre de J o b , pour un grand animal inconnu, ou de
mehemoth, épithète que les Arabes ont coutume d’ajouter au nom
de l’éléphant {J îh l) quand il est très-grand (2). C’est sous le nom de
cornes de mammont jnarnmontovakost) que les Sibériens désignent
les défenses fossiles, lesquelles sont si nombreuses et si bien conservées,
surtout dans lesparties septentrionales, qu’on les emploie aux mêmes
usages que l’ivoire frais, et qu elles font ün article de commerce
assez important pour que les czars aient voulu autrefois s’en réserver
le monopole (3).
Cette fable d’un animal souterrain ii’est point ignorée des Chinois
qui nomment les cornes de mammouth, tien -sch u -y a (dents de
tien-schu).
Dans la grande histoire naturelle, Bun-zoo-gann-mu, composée
au X V I e. siècle, on trouve sur le tien-schu l’article suivant.
« U animal nommé tien-schu, dont i l est déjà p a rlé dans
» l ’ancien ouvrage sur le cérémonial, in titu lé L y -k i ( ouvrage
y> du V e. siècle avant Jésus-C h rist), s ’appelle aussi tyn-schu, ou
» y n -sch u , c ’est-à -dire, la souris qui se cache. I l se tien t con-
» tinliellèm ent dans des cavernes souterraines ; i l ressemble à
» une souris, mais égale en grandeur un boe uf ou un buffle. I l
» n ’a p o in t de queue, sa couleur est obscure. I l est très j o r t e t
» se creuse des cavernes dans des lieu x pleins de rochers e t de
y* fo r ê ts . »
Un autre écrivain, cité par celui-là, s’exprime ainsi :
« L e tyn-schu ne se tient que dans des endroits obscurs et
» non-fréquentés. I l meurt sitôt qu’i l voit les rayons du so le il
» ou de la lune ; ses pieds sont courts à proportion de sa ta ille , 1 2 3
(1) P a li. , loc. cit.
(2) Siràhlenberg, trad. angl. , p. 4°3-
(3) Etat prés, de la Russie, en angl., ap, Sloane, loc. cit.
» ce qui fa i t qu i l marche mal. S a queue est longue d’une aune
» chinoise. Ses y eu x sont p etits e t son cou courbe. I l est fo r t
» stupide et paresseux. Lors d’une inondation aux environs du
» fe u tr e Tan-schuann-tuy (en l ’année 15y 1 ) i l se montra beau-
» coup de tyn-schu dans la p la in e ils se nourrissaient des racines
» de la plan te fu lk ia . »
Ces détails curieux sont extraits d’une note communiquée à l’Académie
de PétersbourgparM. Klaproth etimprimée par M. T ilesius ,
dans les Mémoires de cette Académie, t. V, p. 4°9-
M. Klaproth dit aussi dans cette note, qu’ayant consulté un manuscrit
mantschu, il y trouva ce qui suit :
cc L ’animal nommé fin -s c h u , ne se trouve que dans les régions
» fr o id e s, aux bords du ffeu v e T a i-tu n n -g ia n n e t p lu s au nord
» ju sq u ’à la mer septentrionale. I l ressemble à une souris ) mais
» est aussi grand qu’un éléphant : i l craint la lumière et se tient
» sous terre dans des grottes obscures. Ses os sont blancs comme
» de l ’ivoire,, se laissent aisément travailler, e t n ’ont p o in t de
» fissures. Sa chair est d ’une nature fr o id e , e t fo r t saine. »
C ’est probablement le profit que procurent les défenses du mammouth,
qui a excité les Russes et les autres peuples qui habitent la
Sibérie, à en faire la recherche, et qui a fait découvrir tant d’osse-
mens de cet animal dans ce vaste pays ; ajoutez que les rivières immenses
qui descendent à la mer Glaciale, et qui s’enflent prodigieusement
à l’époque du dégel, rongent et enlèvent de nombreuses
portions de leurs rives,, et y mettent chaque année à découvert des
os que la terre contenoit, ce qui n’empêche point qu’on n’en trouve
beaucoup d’autres quand on creuse des puits et des fondations.
Ainsi on ne peut pas croire qu’ils aient simplement été amenés
par ces fleuves, des montagnes voisines de l’Inde, où les éléphans
pourroient se porter naturellement encore aujourd’hui, comme feu
Patrin l’avoit imaginé (1). D’ ailleurs il n’y en a pas moins le long
(■ ) Patrin, Hist. nat. des minéraux, t. V , p'. 3g t et suiv. ; et Noyv. Dict. des Se. nat.,
art. Fossiles.