George, arriver à un chemin qui me mènerait à
la cime du rocher sur laquelle est perchée la dernière
de ces ruines d’églises. Au nom de religieuses,
on se figure déjà quelque couvent de belles
Visitandines ou d’Uf sulines ; on se trompe très
fort. Je ne trouvai là qu’une douzaine de vieilles
femmes de soixante à quatre-vingts ans, la plupart
de pauvres veuves qui étaient venues trouver
un refuge au pied des autels. Elles étaient
vêtues de noir, suivant la règle de saint Basile.
On suppose bien qu’il n’y avait pas de risque à
permettre à chacun l’entrée de ce couvent. Ces
pauvres femmes vivent en partie d’aumônes, et
sont logées fort misérablement dans quelques
masures au milieu d’autres édifice^ en ruines.
C’est bien ici le lieu de dire ruines sur ruines.
Je les trouvai fort occupées à rapiécer quelques
vieux haillons pour s’en parer pour la fête de
l’Assomption de Notre-Dame qui devait avoir
lieu le lendemain. Elles peuvent sortir, et vont
de côté et d’autre. Leur église, placée aussi sur
une plate-forme au-dessus de la vallée, à l’ombre
d’im tilleul énorme, passe pour être beaucoup
plus ancienne que toutes celles de Ghélathi; le
prêtre qui nous l’ouvrit nous assura qu’elle datait
de l’an iooo environ; rien de plus lourd,
déplus massif, de plus écrasé, que ce sanctuaire,
qui n’a pas de dôme. J’eus beau y chercher une
inscription, je n’en trouvai pas.
Au-delà du couvent, je passai au milieu d’une
multitude d’anciens enclos en pierres, avec des
ruines d’habitations qui étaient en bois, et dont
le voisinage était marqué par ces grandes jarres
ou koupchines murées qui servaient à garder le
vin. Ces enclos forment des terrasses depuis la
ruine de la petite église que la reine Anna, femme
de David III, fit construire au-dessous du monastère
des femmes, jusqu’au pied du rocher où
commence un bocage épais de buis, de laurier-
cerise, de Jioux, de charmes, de hêtres, de vigne,
de périploque (1), de cormiers, entremêlés d’énormes
blocs de rocs écroulés et entassés les uns
sur les autres. Je cherchai à traverser sur trois
ou quatre points cet inextricable fourré, pire
que celui qui entourait le palais de la Belle-au-
bois-dormant ; impossible : je n’étais pas prince
favorisé par une fée ; je voyais la ruine planer
sur ma tête 5 je voyais dans les fentes du rocher
un ermitage muré très-pittoresquement pour un
ermite qu’on y envoie de temps eu temps en
pénitence; je m’en revins à travers ces enclos
désolés, couverts jadis de vignobles et d’une
population nombreuse, que tant de guerres ont
détruite.
Je cherchai à me dédommager de mon désappointement
en cherchant à parvenir à d’autres
(1) Periploca greca.
II.