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 , mais il me fit  accompagner par  un  gentilhomme  
 imérétien, Nicolas Kakhiani, de Bagdad,  
 qui  devait  me  servir  de  guide  et  d’interprète.  
 Sans  cette attention du général, j’aurais eu bien  
 de la peine, ou plutôt  il m’aurait  été  impossible  
 de  me  tirer  d’affaire.  Nicolas  était  un  brave  
 homme d’une grande fidélité, qui connaissait parfaitement  
 le pays et  la manière de voyager ; prévenant  
 mes goûts , il s’informait  d’avance de tout  
 ce qui pouvait nous intéresser  sim  notre  route,  
 m’indiquait tout, villes, rivières, montagnes, etc.,  
 et surtout prenait un soin extrême de ma sûreté.  
 Voilà des guides  tels qu’il  les  faut. 
 Il  était vêtu de noir  à l’imérétienne  avec  son  
 koudi  ou bonnet fronde  sur  ses  cheveux  noirs  
 et crépus, mais  du  reste,  armé de  pied en cap :  
 le  sabre  au côté, le  kindjal ou kandjar et le pistolet  
 à  la  ceinture,  le  fusil  en  bandoulière,  la  
 poudrière et la giberne pendues au  côté par des  
 chaînes  d’argent  :  ce  costume  a  quelque  chose  
 d’élégant  et  de  très-pittoresque.  Nicolas  avait  
 fait la campagne de la Turquie sous le feld-maré-  
 chal  Paszkévitz,  et portait  la médaille  d’argent  
 de  cette  guerre.  A voir son  visage haut  de  couleur  
 ,  ses  petits  yeux noirs,  ses  grosses  lèvres ,  
 et  surtout  ses  cheveux  si  noirs  et  si  laineux  ,  
 combien de philosophes se seraient amusés à bâtir  
 des  hypothèses,  et  auraient  juré  retrouver 
 ici un  descendant  de  la  colonie  égyptienne  de  
 Sésostris  dont  parle Hérodote.  Il faut être bien  
 en garde contre des faits isolés de ce genre, dans  
 ces pays  où  les  races  peuvent  avoir été mélangées  
 par tant de  guerres et de révolutions. 
 Je  venais  de  traverser  la belle  plaine  d’Adja-  
 met  couverte de bois et  élevée de 3o  à 4o pieds  
 entre  le  Rion,  la  Tskhaltsitèla et  la Kvirila.  Je  
 descendais tranquillement la pente qui mène à la  
 Kvirila,  cherchant  de  l’oeil mon  guide  Nicolas,  
 qui  m’ayant  quitté  pour  quelque  affaire  qu’il  
 avait oubliée  à Koutaïs, devait me  rejoindre  par  
 là, quand je  fus  tout à  coup apostrophé par une  
 voix qui me criait en français  en accent lorrain  :  
 «  N’avez-vous pas  vu mon  prince?  »  Et  je  vis  
 sortir des buissons une petite  figure plantée  sur  
 un  grand cheval ;  redingote bleue, bonnet géorgien  
 : nulle apparition plus fantastisque ne pouvait  
 m’arriver pour  le moment  dans  les  plaines  
 de  la Colchide,  sur  les  rives du Phase.  Ce  nouveau  
 venu était Jean Baptiste Démangé qui cherchait  
 un prince  éristaf avec lequel  il allait visiter  
 l’emplacement  d’une  scierie  à  Akhaltsikhé ;  il  
 avait  été  du  nombre  des  ouvriers  mécaniciens  
 que le chevalier Gamba avait amenés dans le pays  
 pour  y  établir des scieries  et des  moulins  dans  
 les  domaines qu’il venait d’acquérir.  Je  le  connaissais  
 de  réputation; j’avais  vu  la  belle scierie  
 qu’il avait construite en Abkhasie, près de Bam