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   nous allâmes  à l’instant nous installer  auprès  
 de l’église de Persati, supérieurement placée  
 à  1 ,5oo pieds au-dessus du niveau de la mer, et  
 à  7  ou Boo pieds  au-dessus de  la  rivière,  sur le  
 sommet  d’une  colline  à droite  de  Bagdad. L’église  
 quoique anciennement construite  avec  une  
 plus ancienne  dont  on  avait  semé  çà  et  là  dans  
 la façade les  grossières  sculptures,  n’était  rien à  
 côté  de  la  magnifique vue  dont  on jouissait  du  
 haut de cet observatoire.  C’était celle qu’on a du  
 Chanet  ou  de  Chantemerle,  le  long  des  pentes  
 du Jura, près de Neufchâtel, sur l’immensité des  
 Alpes.  La  vaste  plaine  verdoyante  de  la  Col-  
 chide  était  notre, beau  lac,  Koutaïs, était Esta-  
 vager;  le  Létchekoum  et  le  Ratcha  boisés  qui  
 s’étendent  derrière,  sont  le  Simmenthal  et  la  
 Gruyère,  et  les imposantes  pyramides  de  l’Elbrous  
 et de Passmta, ou les murailles crénelées,  
 neigeuses du Kadéla,  qui couronnent l’horizon,  
 sont  notre  Jungfrau,  nos  Diablerèts  et  notre  
 Mont-Blanc. 
 A ma grande surprise, je trouvai le sommet  de  
 cette  colline  semé de  débris de  ce  calcaire  tertiaire  
 dit pierre  de  Kertche.  La  suite  de mon  
 voyage  prouvera  que  ce  tertiaire  se  retrouve  
 presque  sur  toutes  les  autres  collines  qui  circonscrivent  
 le bassin de l’ancienne Colchide ;  ce  
 qui nous prouve que le soulèvement de ce bassin 
 appartient  aux  dernières  révolutions  de  notre  
 globe,  et  qu’il  est  simultané  avec  celui  d’une  
 bonne partie de la  Crimée,  du midi de la Russie  
 et  des  vastes  steppes  du nord  du  Caucase.  Ce  
 tertiaire ne se remarque pas au fond du bassin où  
 il  a  été  recouvert par  de nombreuses alluvions,  
 et C’est ainsi peut-être  que  le  fond  du  bassin,  
 de  golfe qu il  était,  s est  change  en  plaine uniforme. 
 Nous  dmames  au pied d’un tilleul énorme qui  
 semblait prendre sous  sa protection et l’église et  
 la maison  du prêtre qui est à côté.  Pour  la nuit,  
 mon guifl.e Nicolas Kakhîani nous mena chez lui  
 où  nous  trouvâmes  un  pompeux  souper,  et  où  
 je fus  initie pour la première fois à un vrai repas  
 imérétien. 
 L’heure du  repas  se  signale par l’arrivée d’un  
 grand chaudron de pâte de millet (î) cuit  à l’eau  
 sans  sel,  et  de plusieurs  cruches à  large ventre  
 remplies  de  différentes  qualités  de  vin.  Alors  
 s approche un valet souvent en guenilles avec une  
 cruche à eau, qui vous asperge les mains en vous  
 piesentant un essuie—main souvent si grossier et si  
 sale qu’il est presque impossible d’en faire usage.  
 L’eau  superflue  tombe  sur  le  sol  et  la  terre la  
 boit. Alors devant le banc étroit et bas sur lequel  
 vous etes assis, on apporte un autre banc un peu 
 ( i)   Panicum  italicum, en géorg., Gômi. 
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