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 se  dégrader.  Le  plus  bel  ornement du  peu  de  
 chambres  pauvrement  meublées  qu’elle  renfermait, 
  était une petite bibliothèque dont le pauvre  
 M. Creuzé faisait la nourriture de  son âme. 
 Les bâtiments des scieries commençaient aussi  
 à  se  dégrader.  La  scierie  était  très-bien  entendue; 
   on  tirait de la forêt  d’Adjamet  des chênes,  
 des  hetres,  des  charmes,  des  noyers,  des  châtaigniers  
 ;  ces  derniers  étaient  plus  rares ;  tous  
 ces  arbres  étaient de  la  plus  forte  venue.  On  
 sciait pour la menuiserie du  buis,  du plaquemi-  
 nier {Diospiros lotusj qu’ils  appellent  là du mûrier  
 noir (1),  duplanère {Planera  richardii/(p),  
 et surtout du poirier ou  sorbier  torminal {Pirus  
 torminalisj (3), qu’ils  appellent de l’érable blanc  
 a  cause de ses feuilles, et qui donne un beau bois  
 jaspé ou rayé d’un beau jaune clair, ce qui le rend  
 très—précieux pour  la menuiserie.  Le  Tchinnar  
 ou  platane  oriental  {Platanus  orientalisJ  (4) ,  
 n est pas  commun  en Mingrélie  et  en  Iméreth,  
 comme vers la Mer Caspienne ;  il est  rare  qu’on 
 (1)  Kouméra,  en géorgien ;  Gkhom, en mingrélien. 
 (2)  Tserkoë,  en géorgien ;  Güldenst'àdt écrit Selkwa ;  il  
 l’a  décrit  sous  le nom  de  Rhamnus  ulmoïdes.  Voyez son  
 voyage, édit.  Klaproth, p.  180. 
 (3)  Kakali,  en géorgien; Datvis, en mingrélien. 
 (4)  Tchad an >  en  géorgien. 
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 se permette d’en abattre un arbre, tant on le respecte. 
 Le  fond  du  sol  de  la  forêt  d’Adjamet  et  de  
 presque  toute  cette  partie  de  l’Iméreth,  situee  
 autour des  confluents de  la Kvirila,  du Phase et  
 de la  Khanitskali, est composé de cailloux et de  
 glaise, que  recouvre  une forte  couche  de  terre  
 végétale, dans laquelle tout croît supérieurement ;  
 tout  y  a  un  air  de  Vigueur  et  de  fraîcheur qui  
 ravit. 
 J’allai visiter à  une petite distance  au-dessous  
 de la résidence de M. Gamba,  les ruines du château  
 qu’Alexandre, roi  d’Iméreth, restaura pour  
 en  faire sa résidence ;  elles  couvrent  le  sommet  
 d’une colline plate qui domine la rive  gauche de  
 la Kvirila,  à  peu  de distance  au-dessus  de  son  
 confluent avec le Phase. On ne pouvait pas mieux  
 choisir  pour  avoir  une  vue  magnifique  sur  la  
 vaste plaine d’Iméreth et sur les cimes lointaines  
 du Caucase,  et pour jouir du plaisir de la chasse,  
 dont  ces  rois  d’Iméreth  étaient passionnés.  On  
 allait  faire  la  guerre  à  cette masse  de  sangliers  
 qui peuplent la forêt d’Adjamet (1) en compagnie  
 avec  les  cerfs,  les  chevreuils,  les  chakals,  et  
 même  les  hideuses  hyènes,  dit-on.  Les  cris  
 étranges de ces  chakals  ou loups dorés, ressem- 
 (1)  Les  rois d’Iméreth  avaient  aussi  une  petite maison  
 de chasse dans cette forêt.