sur les quartiers de rocs, sur les troncs d’arbres
arrachés ; un artiste qui vise au pittoresque aurait
ici de quoi exercer son crayon.
On trouve encore sur la hauteur des champs
de maïs et des balagans. Les ours qui sont très-
nombreux dans cette vallée et très-friands du
maïs, font de grands ravages dans ces plantations
: c’est pourquoi les habitants du pays sont
obligés d’être en guerre continuelle contre eux.
Ils passent la nuit à veiller dans leurs balagans,
qu’ils bâtissent à dix pieds au-dessus de terre sur
quatre pieux; ils y montent par une petite
échelle qu’ils retirent après eux, et là, retranchés
dans leur forteresse, tout oreille à ce qui se
passe, dès qu’ils entendent les ours se jeter lourdement
dans les enclos et froisser les hautes tiges
, ils poussent des cris effrayants, se répondant
les uns aux autres ; ils tirent des coups de
fusil, frappent avec des bois contre des planches,
et forcent ainsi leurs gourmands ennemis à se
sauver. Ces cris, pendant la nuit, ont de quoi
épouvanter, quand on ne s’y attend pas et qu’on
en ignore la cause.
Au bout* de quatre verst on quitte toute trace
de culture et de civilisation, pour redescendre
par un chemin aussi roide que la montée était escarpée,
et pour entrer dans un monde si sauvage,
que jamais la main de l’homme n’a osé l’envahir.
A chaque instant nous passions sur de petits
ruisseaux > sur des filets d’eau qui tombent de
chute en chute dans la Khanitskali.
A cinq verst de Khané, on traverse la Khanits-
kali ; ici commence le chemin le plus abominable
qu’on puisse s’imaginer; on remonte toujours la
rivière; mais cette rive gauche est inondée de
tant de sources, que sept verst durant, le cheval
ne fait pas un seul pas à sec; toujours il pétrit
avec une peine infinie la boue épaisse et profonde
des fondrières, et à force de passer et de
repasser, les chevaux ont creusé des trous profonds
qui se suivent régulièrement, et où ils
mettent leur pied, n’osant le mettre sur la petite
digue qui sépare chaque trou, de peur de
glisser. A chaque pas on risque d’y rester.
Des espèces de chemins en rondins sont encore
plus dangereux par leur vétusté que la
boue. On grimpe par-ci par-là ; on descend sur
des parois nues; on ne sait comment le cheval
parvient à s’y tenir. On plane sur des abîmes.
Mille petits filets d’eau ruissellent dans des fentes
ou dans des gouffres où vous les entendez tomber.
Ces gouffres nous forcent à faire des détours
dangereux. Nous sommes étourdis du roulement
sauvage de la rivière. Nous passons avec
peine sous d’énormes troncs d’arbres qui sont
tombés en travers du chemin et qui forment des
arcs de triomphe.
Cependant une végétation superbe étonne les