s’y augmenta considérablement. Les bords du
Kour se couvrirent de villages, de châteaux, de
villes, de ponts, d’églises ; aux forêts de hêtres,
de chênes et de pins, succédèrent des champs
fertiles, des vergers et des vignes ; on se disputa
même les plus petits points cultivables. Revenez
chercher cette ancienne culture, cette vie, fruit
d’une population active et laborieuse, et qu’y
trouverez-vous dans cette vallée de Bardjom ?...
Un désert. Longtemps disputée par les Turcs et
par les Russes, cette vallée, frontière entre ces
deux empires, s’est vue exposée à tous les malheurs
d’une lutte et de représailles perpétuelles;
les habitants ont péri ou se sont sauvés dans des
contrées plus hospitalières. Les barbares Lesghi,
sans cesse en course de leur pays à Akhaltsikhé,
dont ils allaient servir le pacha, mirent le comble
à ces misères, enlevant et pillant tout Ce qui
tombait sous leurs mains, fort contents d’avoir
des esclaves qu’ils revendaient aux Turcs. Sous
de pareilles occurrences, qu’on se fasse une idée
de ce que devait devenir cette vallée.
Et qu était-ce déjà, quand la Russie en prit
possession? Que restait-il de cette florissante domination
géorgienne, après plusieurs siècles de
luttes entre la Turquie et la Perse, dont cette
vallée marquait aussi la frontière ? Déjà Chardin
dans son voyage en Orient, en 1672 , ne la
trouva pas beaucoup plus florissante que moi,
quand il dit (1) : <t Deux lieues au-delà d’Usker
(Atskour) on passe une montagne qui sépare de
ce côté la Perse et la Turquie. Nous allâmes le
long de cette montagne après l’avoir passée. Il
y a beaucoup de villages dessus. Le Kour coule
au bas, et Port y voit en plusieurs endroits dès
ruines de châteaux, de forteresses et d’églises.
Ce sont des vestiges de la grandeur dés Géorgiens
et des côrtquêtes dés Turcs et des Persans.
»
« De Souràm, en remontant le Kour, disait
aussi Güldenstâdt (2), Ton trouve Borgoni (Bard-
join) et quatorze autres endroits qui sont tous
dévastes et'déserts, servant pour ainsi dire de
mur mitoyen entre la Géorgie et là Turquie.»
Le pays y à gagné peut-être en pittoresque,
mais que c’est Racheter par un dùr sacrifice. En
effet, jè îïie crôÿâis quelquefois sur lés bords du
Rhin, et il est tel point, surtout quand l’on se
place en face dé cette vieille ruine qui est à 4 verst
d’Atskour, où l’on jurerait que l’on est près de
l’une dès ruines pittoresques du beau fleuvè germanique;
mais là, à des tableaux de ruines et
de déchirements sauvages, succèdent dès paysages
vivants, où tout respire l’abondance , la
(0 b P- *85, de l’éd. in-fol.
(2) Beschreibung der kaukasischen Lander , p. 27, éd.
Klap. :