vieux tilleuls sont le bout du monde. Cette église
bâtie en tüf sans ornements, est célèbre dans
toute la vallée, et même dans l’Iméreth entière ;
de nombreux pèlerins dont nous recoritrâmes
quelques groupes, surtout des femmes, y affluent
pour y recouvrer la santé en respirant le gaz
carbonique qui s’échappe en abondance des couches
de schiste derrière l’église. Les malades
mettent le nez dans des trous, aspirent le gaz,
ce qui les fait violemment éternuer. A quelques
pas au-dessous il sort aussi du schiste un source
acidulée.
Le monde habité se ferme ici : l’encaissement
du Rion est tel jusqu’à sa jonction avec le Glo-
lalskali, que le plus souvent il ne reste pas de
place sur la pente du rocher, même pour un
chemin de Ratcha.
A l’entrée de ce défilé s’élève (1) tristement
le fort de Tchidroti, l’ancienne résidence des
seigneurs et mouraves d’Outséré, abandonnée
maintenant. La Suisse la plus sauvage avec ses
horreurs et ses ruines, n’a rien pourtant de plus
sauvage que ces tours désertes dans cette gorge
sombre, où il n’y a de place que pour le seul
Rion couvert d’écume. Elles fermaient hermétiquement
la vallée comme une écluse, et per(
1) A i verst | d’Outséré.
sonne ne pouvait passer le pont du Rion sans la
permission des seigneurs de Tchidroti.
Pour éviter les énormes masses de rochers à
pic qui surplombent souvent sur le fleuve, nécessité
est de passer tantôt sur une rive, tantôt
sur l’autre. Tchidroti est en face du premier de
ces paysages. Huit fois sur la distance de 6 verst
nous nous hasardâmes sur autant de ponts de
bois que supportent trois poutres lancées d’une
rive à l’autre; elles sont couvertes de madriers
de 6 pieds de long, assujétis par une latte,’sans
garde-fou. Le Phase écume sur les blocs de
porphyre, de granit, de protogyne, et mugit à
Couvrir la voix humaine ; le pont se balance sous
nos pas ; de nombreuses traces de pourriture
nous font frémir et le prince Djaparidzé en me
donnant l’exemple, me conseille de mettre pied
à terre, et de mener mon cheval par la bride,
pour ne pas être trop embarrassé en cas qu’il
s’écroule ; on marche à distance ; des roches
noires encaissent le fleuve ; des sapins élancés
comme des obélisques, teignent ce qui n’est pas
roc de leur sombre couleur ; rien d’autre ne
paraît entre ces deux gigantesques murailles ;
quelquefois cependant par faveur les pointes des
glaciers du Caucase brillent dans le lointain.
Je m’arrête ; on prendrait ma description pour
du Walterscotisme.
Sous le dernier pont établi au dessous du con