bor, occasion où il a montré autant de courage
que d’intelligence. Je fus fort aise de le rencontrer
là; il connaissait fort bien le pays qu’il habitait
depuis plusieurs années, et il s’y était acclimaté.
Nous résolûmes de faire route ensemble
jusqu’à Akhaltsikhé.
Il me proposa d’aller passer la nuit à l’établissement
de M. Gamba, à Vartsikhé même, au lieu
de nous arrêter chez le chef du village. J’acceptai
sa proposition, et après avoir traversé la Kvi-
rila à gué, nous arrivâmes bientôt dans les enclos
de M. Gamba.
M. Gamba, consul français à Tiflis, l’un de
ces grands projeteurs très-éloquents, dont l’imagination
travaille toujours, qui se ruinent en
pratique, parce qu’ils n’ont jamais la patience
d amener a bout une seule de leurs entreprises,
avait été envoyé par son gouvernement, dans le
but principal d’ouvrir au commerce de là France
quelque débouché dans ces nouvelles provinces
asiatiques de la Russie. Son voyage est le résultat
de ses recherches, et certainement la partie
qui traite du commerce est ce qu’il y a de mieux
dans ces deux gros volumes. Il détaillait assez
bien les avantages que la Russie pouvait retirer
de sa position commerciale en Asie. Il en écrivit
particulièrement aux ministres à Saint-Pétersbourg,
qui pleins de confiance en ses projets
d’avancer l’industrie dans ces contrées, lui accordèrent
de grands avantages pour lui en faciliter
la réussite, L’empereur Alexandre lui concéda
entre autres, i5,ooo dessiatines de terrain
en Iméreth à 1 rouble la dissétine (i) pour y établir
des exploitations de bois et des Scieries. Et
même il obtint que, le rouble fixe pour prix serait
le rouble de banque ou le franc, au lieu du
rouble argent qui vaut près de quatre fois plus.
Parmi les lots qui devaient faire la valeur de
ces 15,ooo dissétines, il lui revint entre autres,
la meilleure partie de la terre d’Adjamet et des
anciens domaines des rois d’Iméreth, sur les
bords de la Kvirila aux alentours de Vartsikhé,
qui était un de leurs châteaux de plaisance.
M. Gamba s’empressa alors de faire venir de
France une colonie d’ouvriers pour peupler sa
nouvelle possession et en tirer parti. Il érigea
non loin des bords de la Kvirila une scierie à
double cadre, exploita sa forêt, fit des planches,
etc.; mais rien n’a réussi. M. Gamba
avait le grand projet d’expédier ses planches
en France. Il ne rêvait que moyen de rendre
la Kvirila navigable jusqu’au Rion, qu’embarcations
, que profits immenses, et en attendant
, il mettait des prix exorbitants sur ses
planches et sur ses madriers, comme s’ils n’é-
(î) La dessiatine ou dissétine, mesure de terre russe,
contient i09,a6 ares de France.