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 l’âme de ces vrais croyants : les dieux s’en vont  ,  
 dirent-ils  comme les  Romains,  et ils  furent forcés  
 de capituler.  La ville  lut  prise  par  le  feld-  
 maréchal  prince Paszkévitz,  le  août  1828. 
 Les  Russes  maîtres  d’Akhaltsikhé,  la  ménagèrent  
 tant qu’ils purent.  On  logea dans  la  forteresse  
 un  bataillon  de  soldats commandés  par  
 le  colonel prince Basile  Ossipovitche  Béboutof,  
 aujourd’hui général et  gouverneur de l’Arménie.  
 A  l’ouïe  de  la prise  d’Akhaltsikhé,  les  pachas de  
 Kars  et d’Arzeroum  ne  se  crurent plus  en  sûreté; 
   cette  forteresse  est  la  clé de l’Anatolie  de  
 ce  côté-là.  Ils  se hâtèrent de réunir un corps de 
 18,000  hommes de  toutes  armes et  de tous costumes  
 ,  et pendant que  le feld-maréchal Paszkévitz  
 était  occupé  autre part,  ils  tombèrent  tout  
 à  coup  comme  une  avalanche  sur  Akhaltsikhé.  
 Mais  ils avaient  à lutter contre  un brave et  habile  
 commandant  et contre  la  discipline  russe ;  
 ils furent forcés de  se retirer  sans  avoir rien fait  
 avec  une  armée  aussi  nombreuse, mais  maladroite  
 et  indisciplinée  au possible, surtout pour  
 un  siège.  Ils  n’abandonnèrent pas  la ville,  sans  
 y  causer beaucoup de  dégâts,  dévastant  ce  que  
 les Russes avaient épargné, et  se  vengeant  ainsi  
 sur  les pierres de  leur désappointement. 
 Les maisons  qu’on  avait  ménagées autour  de  
 la  forteresse ,  causèrent  beaucoup  d’embarras 
 aux  Russes,  parce  que  les  Turcs  s’y  logèrent  
 pour  tirer sur les assiégés. Quand ils furent partis, 
  on fut  obligé de nettoyer  la place ,  en rasant  
 tout  ce qu’il y  avait de maisons  et de ruines autour  
 de  la forteresse.  On  fit  alors  un  nouveau  
 plan  pour  transporter  la  ville  sur  la  rive droite  
 du  Poskho.  On  y  assigna des  terrains  aux Arméniens  
 qui  s’enfuyaient  de  Kars,  et  d’Arze—  
 roum,  et  quand j’y  arrivai  en  i 833,  un  vaste  
 quartier était déjà achevé. 
 Néanmoins,  les  habitants  de  l’ancienne  ville  
 ne pouvaient se  résoudre  à  l’abandonner ;  ils  y  
 avaient un  grand  bazar,  leurs  églises,  leurs  synagogues  
 ,  leurs  cimetières,  et  rien  ne  pouvait  
 les engager à aller peupler la nouvelle ville, dont  
 les  habitants  se  plaignaient  d’avoir  fait  tant  de  
 sacrifices,  d’avoir établi un nouveau bazar assez  
 considérable, des  logements, des caravanserais,  
 et de n’avoir nul profit. Telles étaient les plaintes  
 que j’entendais pendant mon  séjour. 
 Les  plus  mécontents  étaient  ces  Arméniens,  
 nouveaux venus  qui croyaient  trouver à Akhaltsikhé  
 des monts d’or à gagner. Cette ville faisait  
 sous les Turcs un commerce assez considérable.  
 Chef-lieu  d’un  pachalik,  et  en  communication  
 continuelle  avec  Kars  et  Arzeroum,  l’industrie  
 s’y était développée. D’ailleurs, Akhaltsikhé était  
 un marché important  d’esclaves.  Si voisine  des  
 possessions  russes  de  la Géorgie avec  lesquelles