Nous passâmes ici le Phase sur un pont en
bois, et longeant sa rive gauche, nous vîmes
Chardonéthi qui s’élève en amphithéâtre ; Tara-
kéti, qui s’étend sur la montagne, tandis que
ses champs sont dans la vallée ; Séva situé de
même (1).
Enfin au dix-septième verst l’oeil vient à peine
de se détacher de cette ruine si pittoresque du
château de Veltettsikhé (2), dont les deux tours
dépassent les vieux arbres qui cherchent à les
masquer, qu’un nouveau tableau plus majestueux
encore se déroule devant lui. Nous
descendons une légère colline et la belle vallée
d’Oni (prononcez Vouoni) est en face de nous (3).
De la deuxième écluse jusqu’ici, les bords du
Phase n’ont été encaissés que de schiste noir
feuilleté formant des collines basses , boisées
sur la rive droite, plus ou moins distantes du
Phase qu’elles étranglent quelquefois.
Mais à un verst d’Oni, le porphyre resurgit
tout à coup, et ses roches déchirées et escarpées
forment une longue traînée dont on voit la tête
dans le dessin que je donne dans mon atlas. La
(1) Chardonéthi que Güldenstâdt écrit Tchardométhi
est à 10 verst de Baragone, Tarakéti à 12 verst, Séva à
14 verst.
(2) Güldenstâdt écrit Wertetli.
(3) Voyez Atlas, IIe série, pl. 19, a.
Djedjori (1), affluent de gauche du Phase, en
tourne et ronge le pied, et trois vieux châteaux,
anciens refuges des Eristaf ou des Tsirételli en
couronnent les pics isolés. Cette tramée donne
le tour d’Oni et passe le Phase au-dessus de la
Garoula et de la Sakaouri.
On se fera facilement une idée de l’effet qu’a
dû produire le soulèvement de ces porphyres
sur les schistes du voisinage5 désagrégés, altérés,
entrés même dans la composition de ces porphyres
, tout ce qui avoisinait la tramée a disparu,
et il s’est formé de droite et de gauche un
abîme, une vallée qui sépare les roches ignées
d’avec les schistes. Oni est bâti dans l’une de ces
vallées ; l’autre est celle de la Djedjori. ,
Oni est le chef-lieu du Haut-Ratcha et la résidence
de la famille de Grégoire Tsirételli qui
possède une partie du bourg et d’autres grands
domaines dans le Ratcha. Tous les vendredis il
s’y tient un marché où l’on vend du grain, des
chevaux, des tchoks, des feutres, du fer de Tse-
dissi, etc., comme à celui de Koutaïs.
Une partie de la population consiste en juifs
qui y ont établi un bazar. Ils sont serfs des Tsirételli
qui les ont transportés ici jadis (2). Aujourd’hui
Grégoire Tsirételli a voulu continuer
(1) Güldenstâdt écrit Dshedsho.
(2) Güldenstâdt les y a déjà trouvés en 1771.