se voit le mieux d’ici ; on est au pied et rien
d’intermédiaire n’en intercepte la vue. J’y reconnus
d’abord le schiste noir , l’élément principal
qui constitue le centre du Caucase. Les forêts
de pins et de bouleaux ne montent pas fort
haut, et laissent voir au-dessus d’elles des pentes
tantôt nues et tristes, tantôt gazonnées d’un
beau vert. C’est par là que conduit un chemin
chez les Dougores et les Ossètes. Les cimes
n’ont rien de particulier ; quoique très-élevées
elles ne frappent pas par leurs formes hardies, pyramidales,
coniques, qui font admirer et reconnaître
de si loin le pic de Passmta. Le Kadèla est
une muraille avec des créneaux un peu en ruines.
Le nouveau Glola est en bois, assis au pied de
cette espèce de forteresse, qui peut Servir de
refuge aux habitants. Un ruisseau traverse le village,
se mêlant avec la plus belle des sources
acidulées du Haut-Ratcha, qui jaillit sur Ses
bords : elle est assez chargée de gaz carbonique
pour faire mousser l’eau d’une bouteille et
en faire sauter le bouchon, comme du champagne
: elle ne diffère guère pour la qualité dé la
fameuse source du Narzan ou vin des Géants, à
Kislavodsk, aux bains du Caucase. Sa température
est de 90. On vient boire cette eau pendant
l’été ; mais la difficulté du trajet, et surtout la
rudesse de moeurs des habitants de Glola, empêchent
bien des personnes d’y venir.
La population de Glola n’est pas bien considérable,
et cependant il ne se passe pas d’année ou
il n’y ait plusieurs meurtres pour enlèvement de
femmes ou autres causes. Ce que je sais par expérience
, c’est qu’ils ont de fort méchants chiens,
et qu’ils s’amusent de les voir assaillir les passants.
Poussés à bout, nous fîmes mine de lâcher
un coup de pistolet sur cette engeance infernale;
leurs maîtres virent que c’était sérieux, et vinrent
à la fin à notre secours. Ah ! si on pouvait
se passer de chiens dans ce monde ! Souvent
les plaisirs des voyageurs sont gâtés par ces tyrans
des cours et des villages, fl faut être toujours
en crainte et sur la défensi ve pour ne pas
être déchiré. On pourrait fort bien s’éviter ce
mal-là ; il y en a déjà tant d’autres.
Nous revînmes ce jour-là sur nos pas jusqu’à
Outséré où nous passâmes la nuit derechef chez
notre kélossan, qui nous renvoya le lendemain
vendredi, jusqu’à Oni où se tenait un grand
marché ce jour-là. On voulait nous traiter comme
la première fois et nous refuser des chevaux : le
kélossan allait chez l’un et chez l’autre; on le
renvoyait toujours chez le voisin. Dans ces cas-là
où l’on ne veut pas obéir aux ordres très-stricts
du gouvernement, il faut agir de rigueur; nous
Urnes les méchants à notre grand regret, et nous
fûmes servis divinement. Ce fut la seule fois que
nous fûmes poussés à cette extrémité.