kali: un vieux pont écroulé n’est pas d’une
grande utilité pour les pauvres voyageurs qui
risquent de se noyer dans la rivière, en la traversant
à gué.
A un verst du pont, le calcaire crayeux cesse
tout à coup et ses escarpements sur la même
ligne, à l’est et à l’ouest, s’en vont à Koutaïs et
dans l’intérieur de l’Odichi.
Alors commence un schiste horriblement bouleversé
et mêlé de débris calcaires. Des fentes
remplies de porphyre pyroxénique se ramifient
dans le schiste ; on voit même qu’il a coulé sur
le schiste ; le calcaire se présente çà et là comme
une ruine.
Gordi, où nous allions chercher Dadian, est
une des habitations du prince, distante de 2 ou
3 verst de la Tskhénitskali, et dominant une
espèce de plateau élevé de 5 à 6oo pieds au-dessus
de la rivière. Un cône porphyrique qui fait contre-
fort au bord de ce plateau du côté de la rivière,
est couronné d’une vieille forteresse ruinée voisine
d’un église ombragée de beaux arbres. La
maison de Dadian, semblable à celles qu’il a à
Mouri et à Laïlache, n’est pas loin de là ; une
seconde église et quelques sacles pour sa cour et
les étrangers, sont semées autour de ce champêtre
palais.
Mon arrivée annoncée au prince, ordre vint de
me loger. Le maréchal ou grand maître d’hôtel,
l’un de princes de sa cour, vint me recevoir et
m’installer dans l’une de ces sacles qu’on avait
préparée assez commodément. On m’oflrit le thé,
usage oriental adopté des Russes. Il fut suivi
d’un bon souper, assaisonné d’excellent vin
rouge ; car j’étais dans l’Odichi qui produit les
vins les plus généreux du revers méridional du
Caucase (î). On me servit à l’européenne, avec
couteau, fourchette, serviette, etc.
Le lendemain, le prince maréchal vint me
prendre pour me présenter à Dadian qui est fort
afïàble. Sa chambre est comme celle de Michel
Bey ou de Hassan Bey. Il s’offrit de faire tout ce
qui pouvait faciliter mon voyage, et me témoigna
son chagrin de la réception un peu crue qu’on
m’avait faite à Mouri, regrettant beaucoup de
n’y avoir pas été lui-même pour me recevoir. Il
me donna pour guide et pour sauve- garde contre
tout désagrément pareil à celui qui m’était arrivé,
l’un des seigneurs de sa cour, le prince Constantin
Ghiboidsé (2). 11 me fit toutes sortes de
politesses, et quand je le quittai, il fit venir mon
interprète, s’informa de moi, et me fit ensuite
(1) Le vin de Mingrélie est excellent, dit Chardin ; il a
de la force et beaucoup de corps : il est agréable au goût
et bon à l’estomac. On n’en peut guère boire de meilleur
en aucune part de l’Asie. T. I , p. 73, éd. in-fol.
(a) Güldenst'àdt écrit Ghibnodsé.