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 à laquelle se portent en foule les habitants mêmè  
 des contrées éloignées :  aussi ne fûmes-nous pas  
 seuls admis  à recevoir l’hospitalité.  Nous trouvâmes  
 nombreuse société  d’hommes  et de  femmes  
 ,  celles-ci  se rendant dans  la maison de la  
 princesse,  et ceux-là descendant de cheval sous  
 les vieux tilleuls  qui  ombragent la maison  destinée  
 à  l’hospitalité.  Que  de  curieux  auraient  
 payé cher pour voir  ce  spectacle  surtout  pendant  
 la  nuit ! 
 Sous  les  grands arbres devant la  porte d’entrée  
 de  la maison des étrangers  ou herberge,  on  
 avait  allumé  un  grand feu ;  tout autour  étaient  
 assis  en longues  files sur d’énormes bancs taillés  
 d’un seul tronc de chêne,  une  trentaine d’hôtes  
 des  alentours,  de tous  costumes ,  géorgien,  cir-  
 cassien,  imérétien,  etc.,  tous  brillant  d’argent  
 prodigué sur les sabres ,  les kindjals ,  les gibernes, 
   les ceinturons.  Barbes, moustaches rouges*  
 noires,  courtes,  longues,  pointues,  rondes,  
 tout  était  là.  Les  valets  servants  étaient  sur-  
 tout empressés  à  servir le vin  dans des  cornes,  
 dans  des  koulas,  dans  des  azerpêches.  Deux  
 chantres  improvisèrent  sur  le  ton  le  plus  pitoyable  
 les  louanges du prince,  tandis  que  le  
 rituel  des  santés  ne  discontinuait  un  instantv  
 Tantôt  c’était  l’un,  tantôt  l’autre  qui  se  levait  
 et qui adressait  à quelques membres  de l’assem- 
 'filée  un  long  discours  complimenteur,  suivi  
 d’une  santé  à laquelle il fallait répondre,  coûté  
 qui  coûte.  Messieurs les  Iméretiens sont encore  
 plus  complimenteurs  dans  leurs  santés  que  les  
 vénérables  bourguemestres des  petites  villes de  
 Suisse  ou  d’Allemagne.  On  fut  près  de  trois  
 heures à ronger les  os de moutons,  de boeufs  et  
 de poulets qui  couvraient  les  tables,  parmi les  
 tas  de  gômi. 
 Je m’étais dispensé d’assister au festin, sachant  
 bien  que  je n’en sortirais pas  sur  mes  jambes ;  
 car  toute cette  foule  se  serait empressée  de me  
 faire  honneur  à  l’imitation  du prince,  et  on  a  
 beau  être  d’Auvernier  (1),  on  n’y  tient  pas  
 contre  des  Imérétiens.  Je prétextai que j’avais  
 beaucoup  à écrire  et  le prince me  fit servir  un  
 fort bon  souper dans  la maison,  en  y  ajoutant  
 une grande  cruche de  son meilleur vin qu’on ne  
 buvait certainement pas  à la grande table.  J’eus  
 ainsi  mes  coudées  franches  pour  travailler  et 
 (1) Auvernier,  village  du  canton  de  Neuchâtel,  dont  
 toute  la richesse  consiste  en vignobles  qui  produisent un  
 bon vin blanc et un peu de rouge, meilleur encore.  Il était  
 célèbre  dans  un  temps par  ses buveurs,  et surtout par la  
 naïveté  de  l’un  d’entre  eux,  qui  bronchant  plus  que  de  
 coutume après  avoir goûté  du  1802,  s’écriait : Ah !  pour  
 celui-ci,  il faudrait  avoir un nez  de fer {  Ah !  por stu-ci,  
 é  toëdrai  on  naz de  fer  ).  Ma  mère  était  de  ce village,  et  
 j ’y ai été  élevé.