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 prince,  qui avait trouvé fort commode de vivre  
 a  nos  dépens  avec  ses  gens,  depuis  que  nous  
 étions  ensemble.  Je  le  consolai ;  il  était arrivé  
 un  chargement  frais  de vin  d’Iméreth ; je lui en  
 fis  acheter  une  bonne  provision  pour  remplir  
 son  outre  et  il  fut  consolé.  ‘  • 
 La  société  ne  peut pas  être  fort  nombreuse  
 ni fort  choisie,  dans une  ville  aussi  éloignée du  
 centre de  la  civilisation.  Deux  ou  trois  dames  
 russes seulement,  avaient  suivi  leurs maris :  la  
 plupart  des  envoyés  civils  et militaires  étaient  
 garçons ou vivaient en garçons.  Il arriva que précisément  
 pendant  mon  séjour,  douze  d’entre  
 eux s’étaient donné parole de  se traiter réciproquement  
 à  tour  de  rôle,  estimant  que  bien  
 manger et bien boire étaient au moins une consolation  
 pourtant d’autres privations. Jamais on ne  
 vit rien  de plus  somptueux ni  de plus  abondant  
 à Akhaltsikhé,  que  ces douze dîners de  garçons,  
 auxquels on invitait aussi des amis. 
 Un  jour  de  dimanche,  le  colonel m’envoya  
 une  de  ses  ordonnâmes  pour me  chercher  au  
 pied de la tour d’où je dessinais, et pour me conduire  
 auprès  de  lui.  J’ignorais  d’abord  ce  que  
 cela signifiait; mais quand me faisant entrer chez  
 le Protopope,  prince Orbélianof, il m’introduisit  
 au  milieu  d’une  nombreuse  société  d’officiers  
 qui  contemplaient une table bien dressée, je  sus 
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 à quoi j ’en étais. Mon costume de dessinateur 11e  
 cadrait guerre avec tous  ces uniformes :  je voulus  
 aller  en changer ;  il  n’y  eut  pas moyen ;  on  
 me retint  par  force tel  que j’étais. 
 Je donne ici par curiosité le menu de ce dîner,  
 qui  intéressera  peut-être  quelque  gastronome,  
 désireux  de  savoir  comment  on  se  traite  dans  
 ces pays-là. 
 Menu  d’un  dîner  chez  le protopope,  prince Orbélianof,  
 à Akhaltsikhé,  dimanche  27  août. 
 Les mets furent servis les uns après  les autres  
 à  la  russe,  comme  suit  : 
 i° Boeuf et pommes  de  terre. 
 20  Soupe ou potage  avec poulets ;  on  l’assaisonnait  
 à volonté de  kaïmak,  partie  butireuse  
 et  séreuse qui se forme en peau sur le lait quand  
 on  le  cuit  lentement ;  on  l’enlève  au  fur  et  à  
 mesure,  et  on  la conserve  pour  l’usage  ordinaire  
 ;  on  la  mange  comme  du  beurre.  Bien  
 soigné, ce kaïmak  est  délicieux.  Les Tatares de  
 Crimée  en préparent beaucoup pour eux. 
 36 Poulets  rôtis  avec  des  concombres aigris. 
 4° Mouton  en  sauce  servis  dans  une  grande  
 terrine. 
 5"  Saucisses rôties,  avec des pommes d’amour  
 aigries. 
 6° Saucisses  accommodées  à  la  crème,  avec  
 du  concombre cuit,  etc., mets  grec. 
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