muraille calcaire (1), la droite s’ouvre circulaire-
ment et s’appuie à 1 verst de distance sur un
amphithéâtre de roches porphyriques , de jaspe
verd et rouge bizarrement déchirées, qui se
sont poussées de côté sous l’énorme muraille
calcaire qu’elles ont soulevées (2).
La Lokouni coupe ces jaspes et ces porphyres
en deux, et mugissant parmi les blocs qui encombrent
la gorge que la nature lui a creusée,
elle se jette dans le Phase au-dessus de la champêtre
et modeste habitation en bois du prince
Grégoire Eristaf qui possède ce petit vallon. Son
grand-père n’était pas si pacifique. Voyez en
face, dans l’angle du confluent des deux rivières
ce rocher aride et noirâtre qui sort sa tête de
la ceinture de forêts qui serre sa base, et sur ce
rocher ce château fort avec deux tours; tel était
son manoir dont le nom de Mindastsikhé (forteresse
de la nécessité) rappelle trop bien les
troubles et les guerres sans fin du dix-huitième
siècle (3).
( 1 ) Sous le calcaire paraît dans la vallée une marne irisée
ou bariolée, quelquefois grise ; j ’ignore si c’est la même
qu a Kreité, car dans ce cas tout cet immense rocher serait
craie, ce dont je doute.
(2) Voyez Atlas, V e série, plans, cartes, coupes, pl. 2.
(3) Voyez Atlas, IIe série pittor., pl. 19, b. Le chevalier
Gamba a aussi donné une vue de Mindastsikhé dans son
Voyage pittoresque ; mais cette vue a été composée à Paris.
Ce prince Eristaf ainsi que ses prédécesseurs
portait alors le titre de gouverneur du Ratcha
(Ratchis-Eristhavi) qu’il gouvernaient pour le
roi d’Iméreth. En 1767, il crut qu’il était assez
puissant pour imiter les Dadian et les Gouriel
et pour se soustraire à l’obéissance du roi Salomon,
alors très-occupé à se défendre contre
les Turcs. Mais le roi se sentit assez fort pour le
ramener à l’obéissance, et aidé surtout des
Tsirételli de Satchekhéri, jaloux de la puissance
des Eristaf, il força bientôt le prince à se soumettre
; et après cela il lui fit crever les yeux,
et mit le Ratcha au nombre de ses domaines,
en faisant la part des Tsirételli. Pour mettre le
comble à sa vengeance, le roi fit alors ravager la
demeure du prince à Baragone, qui n’était qu’un
monceau de cendres et de ruines quand Gülden-
stâdt vint attendre à Tsessé pendant plusieurs
jours les ordres et la visite de Salomon lui-même
en 1771 (1).
Il n’y a plus que quelques parties du toit du
château de conservées ; tout est abandonné. Le
On a dit au dessinateur : faites une eau qui tombe en cascade
; placez à côté un rocher noirâtre, et par-dessus un
château, et le dessin a été fait. L’eau, le château et le
rocher sont vrais, mais ne demandez pas s’il se trouve la
moindre ressemblance dans les détails, et surtout s’il y a
des sapins à Baragone.
(1) Giildenst'àdt, Reise, éd. Klapr., p. i 44-