maris : ce sont elles qui font tout ; non seulement
elles font tout le travail de la maison, tissent des
étoffes, vannent le blé, mais elles vont aux
champs, au moulin. Le mariage chez ces peuples
rudes n’est point une Chose très-respectable
ni très-sacrée ; quand on ne veut plus sa femme,
on la donne à un autre qui la cède à un troisième.'
Ils respectent très-peu les popes, quoiqu’ils
aient des églises. Celle de Ghëbi est ancienne et
fort simple, avec une coupole carrée, comme la
Collégiale de JNeuchâtel en Suisse : elle rappelle
le style géorgien. Le vestibule est rempli de cornes
de boeufs, comme on le voit souvent* dans
l’intérieur du Caucase, ou chaque fête religieuse
est accompagnée du sacrifice d’un boeuf. L’ancien
usage des sacrifices n’a pas été complètement
effacé par le christianisme.
Les tombeaux qui entourent l’église, semés
sur une terrasse qui forme la partie la plus élevée
du village (i), ressemblent aussi en général
à ceux des autres races géorgiennes et tcherkes-
ses ; ce sont des sarcophages ou caisses en pierres
recouvertes d’une simple dalle.
Malgré leur christianisme, tous ces montagnards
tiennent religieusement à la vengeance.
Celui qui est sous le poids d’une vengeance est
(t) On peut voir l’église dans mon dessin au sommet dû
village de Ghébi.
obligé de fuir ou de se cacher; s’il paraît, il ne le
fait que bien armé, et bien accompagné des siens,
qui font tout en attendant pour apaiser les parents
du mort : il les invite tous lui-même, les
traite splendidement, leur donne tout ce qu’ils
veulent jusqu’à Ce qu’ils soient contents,
M. le général Vakoulski eut à Tchiora, peu de
temps avant mon passage, deux de ces cas dé
vengeance assez bizarres à juger et à terminer.
Un habitant de Tchiora avait tué un paysan du
lieu, et s’était sauvé sans qu’on sût où il se tenait
caché. Les vengeurs voulurent s’ên prendre au
frère, prétextant qu’il devait savoir où le coupable
s’était retiré. Forcé d’être armé jusqu’aux
dents tous les jours, quand il voulait faire un pas
hors de chez lui, toujours en crainte, sans cesse
aux aguets aux champs et dans les bois, de peur
d etre surpris , il chercha à apaiser les vengeurs
par un grand festin ; ils se régalèrent bien, mais
ne lui en tinrent nul compte. Heureusement pour
lui que le général arriva sur les lieux et les engagea
a se désister de leur poursuite, qui dans
le fait n’était pas dans toutes les règles du codé
pénal caucasion.
Le second cas était une vengeance pour une
promesse de mariage non tenue ; les parents
s’étaient déclarés les vengeurs de la fille abandonnée.
On en fit des plaintes au général; le
jeune homme qui refusait d’épouser les porta